Par Khaled TEBOURBI Bien que l'avènement des «Journées musicales de Carthage» recueille l'approbation des professionnels et de la critique, des craintes s'expriment encore, ici et là, au sujet de la chanson tunisienne. Ce que d'aucuns redoutent, c'est que déjà en mal de production, d'édition et de public, et désormais privée de son festival saisonnier, celle-ci se «marginalise davantage» en intégrant une manifestation biannuelle, ouverte à toutes les musiques, élargie, au surplus, à la sphère maghrébine, et bientôt (annonce-t-on), aux participations et aux candidatures arabes et méditerranéennes. Craintes légitimes, mais y avait-il une autre solution ? Les «JMC» n'interviennent, à vrai dire, qu'en raison de cette pénurie et de ces difficultés. Et si le festival de la chanson (puis le festival de la musique tunisienne) ont fini par s'interrompre, ce ne fut, précisément, qu'à défaut de création de qualité et de marché digne de ce nom. Une alternative s'imposait. La meilleure? Dans les circonstances actuelles, oui, assurément. Opter, aujourd'hui, pour des «journées» pluridisciplinaires et continentales est plus approprié à la situation de notre musique. Nous avons, pour l'heure, beaucoup plus de solistes et de spécialistes de musique instrumentale que de bons chanteurs, de compositeurs et d'auteurs de chanson. Des concours mettant aux prises des artistes des pays du Maghreb sont, en plus, susceptibles de stimuler la concurrence et d'élever le niveau musical d'ensemble. Ajoutons-y la hausse sensible des prix : place aux vrais talents et aux œuvres réellement compétitives. Sans compter l'apport des colloques et des débats, les «JMC» en proposent, et des plus opportuns. Comment faire face, par exemple, à «la vague commerçante» des télévisions privées ? Comment refidéliser les publics à la bonne musique et à la bonne chanson ? Comment maîtriser l'édition et la diffusion ? Et tant d'autres questions urgentes encore: le moment appelle bien réflexion. Doubler l'approche Reste qu'il est vrai, les «JMC», à elles seules, ne peuvent résoudre le problème, très particulier, de la chanson tunisienne. Nous avons affaire à un genre musical dominant, de tradition séculaire, d'audience populaire : impossible de le contourner. Le mieux, croyons-nous, est de «doubler l'approche». «Les Journées musicales de Carthage» profitent incontestablement, à toute notre musique. On ne doit pas, pour autant, perdre de vue, que leur véritable essor passe par l'aplanissement de toutes les difficultés structurelles que vit notre chanson. Les «JMC» se présentent comme une alternative, disons qu'elles ne seraient solution définitive que si la législation sur la propriété musicale venait, enfin, à être appliquée. La chanson en est la toute première victime. En vérité, il n'y a pas vraiment pénurie de création, celle-ci existe que l'on sache, mais elle croupit encore dans les tiroirs, car les éditeurs locaux ne sont toujours pas protégés contre le piratage, car le marché tunisien n'offre toujours pas de garanties. Si les droits d'auteur retrouvent considération et attention, les belles voix, les belles mélodies, les beaux textes referont, logiquement, surface. De même, est-il des quotas de diffusion et de la concurrence des artistes du Machreq. A ce jour encore, ils ne sont soumis à aucun pourcentage, à aucun mode d'autorisation. La chanson tunisienne s'est affaiblie, le festival de la chanson a disparu, les «JMC» sont là : excellent palliatif, certes, mais qui ne doit pas signifier renoncement. Du travail, beaucoup de travail attend encore tous les intervenants de la musique, les créateurs, les chanteurs, la critique, l'audiovisuel, l'establishment. Toute une chaîne. Il ne faudra pas dormir sur ses acquis.