Interview avec le jeune Mehdi Cherif qui vient de publier un livre sur la nécessité de la réforme éducative en Tunisie. Il a été reçu dernièrement par le ministre de l'Education par intérim. Il a fait ses études en Suisse puis en Tunisie à l'International School of Carthage où il a constaté le grand écart entre les deux systèmes éducatifs. Major de sa promotion, Mehdi Cherif a préféré passer une année blanche et se consacrer à la publication de son premier livre après avoir découvert le «marasme» du système éducatif. Le titre du livre est significatif: «Réflexions d'un élève insoumis». Il se rebiffe à sa manière contre ce système par le biais de sa plume. En fin diplomate, il nous confie : «J'ai toujours été très frustré par l'école, et ce livre est un peu ma revanche sur les milliers d'heures que j'ai passées dans une salle de classe». Une première chez nos jeunes, mais quand on sait que le grand-père fut ambassadeur en Syrie dans les années quatre-vingt et que le père est lui-même haut cadre dans une représentation diplomatique à l'étranger, on comprend que l'enfant ne peut déroger à la règle de l'excellence. Interview. Un livre peut-il révolutionner le système éducatif en Tunisie? Très franchement, en Tunisie ou ailleurs je ne le pense pas. Au-delà de l'ouvrage, je pense qu'il est nécessaire pour faire bouger un système éducatif de s'activer, de militer pour la réforme. L'Education est en effet caractérisée par un immobilisme extraordinaire du fait du très grand nombre d'acteurs qui y prennent part : les élèves, les enseignants, le personnel administratif, les inspecteurs, les parents, les universitaires, la société civile, les partis politiques, l'Unesco ou encore la Banque mondiale. De manière très pragmatique, je pense que le seul livre ne peut convaincre tous ces acteurs; ce sera le travail du mouvement qui va en résulter. Quels sont les maux et les lacunes du système éducatif actuel? Le plus grand problème est, à mon avis, le manque de responsabilité qu'on accorde aux élèves. En effet, de sa rentrée en première année primaire à son orientation universitaire, il ne prend quasiment aucune décision. Il ne choisit pas les matières qu'il étudie, ni les études de cas qui y correspondent. Il ne choisit pas son orientation au lycée pilote, puisque si sa moyenne le lui permet, sa famille le poussera à y aller. De même, il ne choisit pas sa filière dans le secondaire, puisqu'un élève ayant accès à la fois aux filières Maths et Lettres n'ira jamais en Lettres, à cause de la pression familiale et sociale, ainsi que de la différence de qualité d'enseignement entre les deux filières. Enfin, de la même manière, un élève ayant la moyenne pour aller en médecine ou ingénierie n'ira pas faire économie ou sciences politiques, même si c'est ce qui le passionne. A force de ne rien choisir, l'élève se rend compte qu'il n'a aucun impact sur sa vie et/ou son environnement. Il se rend compte que comme il est embarqué sur un train à vitesse unique, il ne sert à rien d'essayer d'innover ou d'exceller, et puisqu'il ne peut pas s'exprimer de manière productive à l'école, il le fera à travers la rébellion et l'insubordination à l'extérieur. Un air de révolte et d'insoumission dans ton premier livre, pourquoi ce choix? C'est lié à mon expérience personnelle. J'ai toujours été très frustré par l'école, et ce livre est un peu ma revanche sur les milliers d'heures que j'ai passées dans une salle de classe. Tu as été reçu dernièrement par le ministre de l'Education par intérim, Slim Khalbous, est-ce à dire que les réflexions d'un élève insoumis seront enfin entendues? Ma rencontre avec le ministre a été très intéressante dans le sens où nos idées étaient très similaires au sujet de la méthodologie et de la stratégie de la réforme. Maintenant, il ne faut pas oublier que c'est un dossier gigantesque qui nécessitera des années de travail. J'espère donc pouvoir m'entretenir de nouveau avec le ministre pour lui proposer un projet concret, afin d'initier, étape par étape, une nouvelle réforme de l'éducation.