Atef Dkhili et Nicolas Apoko ont incarné l'âme du CA face à Supersport d'Afrique du Sud. En retrait, dans l'ombre de Farouk Ben Mustapha depuis quelques années, Atef Dkhili avait forcément une revanche à prendre sur un destin capricieux. Promu premier rempart du CA en début de saison, on lui a par la suite imputé tous les maux d'un onze encore embryonnaire et mis à mal en championnat. Marqué par les critiques, le portier clubiste a, semble-t-il, apprivoisé la pression, bravant la tempête et se forgeant une carapace qui s'avèrera payante. L'énergie du désespoir aidant (sa doublure Seif Charfi est dans les starting-blocks), Dkhili a fini par crever l'écran en terre sud-africaine. Nul doute que cette renaissance personnelle portera ses fruits pour ce portier aussi énigmatique que sanguin. Car Dkhili est avant tout un gardien à réaction, qui commande sa surface de réparation d'une main de fer dans un gant de velours; du moins récemment, en repoussant plus d'une attaque adverse. Le portier que l'on a suivi dimanche semble avoir soigné son approche du jeu. En clair, durant 90 minutes, sa position de gardien de but a consisté beaucoup à observer, attendre, et ensuite réagir au bon moment. Bref, avec lui dans les cages, la situation était sous contrôle. Plus de place à l'incertitude derrière, surtout grâce à l'apport incommensurable du défenseur axial, Nicolas Apoko. L'instinct et l'héritage Pour revenir à Dkhili, beaucoup de travail l'attend avant de définitivement rallier les suffrages des puristes. En effet, l'une de ses faiblesses vient peut-être de cette position très reculée, de laquelle ses arrêts réflexes peuvent parfois renvoyer le ballon dans les pieds de l'adversaire! Pieds dans lesquels son tempérament fougueux et téméraire le pousse à sortir sans ménagement. Ce gardien est aussi excentrique, un instinctif, un leader démonstratif qui donne de la voix et qui sombre parfois, tel ce moment où il éclata en sanglots après le match CA-FUS Rabat. Coupable d'une faute sur l'égalisation marocaine, il n'a pu retenir ses larmes. Bref, son caractère est à l'opposé du discret Farouk Ben Mustapha. Maintenant, savoir s'il saura veiller sur les bois clubistes de manière permanente est l'un de ces délicieux et éternels débats sévissant entre ses partisans et ses détracteurs. Avec un profil intéressant mais une charpente à renforcer, il est dans la lignée des gardiens perfectibles et prometteurs, quoique moins spectaculaire jusque-là. Et en attendant une ascension fulgurante, c'est ainsi que les choses sont écrites. Et peut-être a-t-il juste un don qui attend le bon moment pour éclore ! A lui maintenant de trouver son rythme de croisière et cet équilibre qui lui permettrait de s'épanouir tout en évitant d'être distrait à l'avenir. Assumer ses choix (sorties hasardeuses, anticipations porteuses, instinct). Pour lui, il s'agit maintenant de jouer avec les règles, de ne pas entrer dans un état second (transe tantôt) et de maintenir de façon intentionnelle ce lien entre le sport et le spectacle. Oui, Atef Dkhili est de la race des gardiens qui veulent vivre pleinement, sans cesse en quête de soi. Si bien qu'il a traversé plusieurs passages à vide durant sa carrière en cours. Doute sur ses propres qualités peut-être, crise de confiance. Cela ne l'a pas empêché de briller en seconde période face à un adversaire tenace et coriace. Car le CA a failli être désarçonné plusieurs fois, les dieux du stade étaient clubistes, avec le métier en plus pour nos représentants. Quant à Atef Dkhili, il est encore loin d'être une référence universelle, mais par ses arrêts et sa bonne étoile, il a permis au CA de traverser sereinement le cap de Bonne Espérance. Nicolas Apoko, le respect par la perfection La saison précédente, la défense a constitué le maillon faible du CA. Un CA en mal de vélocité et de punch défensif. Qu'il semblait loin le temps des Khaled Souissi, Pierre Njanka, Salou Tajou, Magharia et Rezgui Amrouche. L'arrivée du Ghanéen Apoko est donc forcément porteuse d'espoirs avec un axe défensif qui gagne en hermétisme au fil du temps. Ce faisant, Apoko a encore été l'homme du match avec son coéquipier Atef Dkhili. Un Apoko « taille patron », c'est avant tout un gladiateur qui cause peu, tacle fort, mais qui peut aussi caresser le cuir avec fermeté dans ses longues remontées balle au pied (relance quasi-impeccable). Véritable tour de contrôle, sentinelle de la surface de réparation, cet international ghanéen de 20 ans honore jusque-là avec une rare efficacité ses sorties sous la tunique du CA: «Désormais, mon libéro titulaire ce sera toi», lui aurait murmuré le technicien lombard, Marco Simone il y a peu. Et force est de constater que le sulfureux coach italien a vu juste. Car un grand club qui se respecte doit forcément s'appuyer sur une solide assise défensive. Dur sur l'homme, n'hésitant pas à pousser et à monter quand l'équipe est en difficulté. Toujours placé comme par magie sur la course du ballon, Apoko n'a de cesse de donner l'exemple aux quatre coins du terrain. Certes, il est loin d'être un surdoué. Mais c'est avant tout un incroyable perfectionniste. En football, le talent ne suffit pas. Il faut aussi être irréprochable dans son comportement pour avoir l'estime et le respect des autres. Comme le notent les assidus du Parc A, Apoko, c'est l'assiduité (toujours le premier à fouler la pelouse aux entraînements) et un comportement exemplaire vis-a-vis de tout son microcosme. Ce sont là des valeurs fondamentales qu'il ne faut pas galvauder ! Avec ce match héroïque à Pretoria, il a définitivement enfilé la tunique du guerrier imperturbable. Devant une telle démonstration de maîtrise, le parallèle avec certains grands défenseurs qui ont écrit l'histoire du CA paraît inévitable. Même précocité tantôt, même calme, même caractère et même capacité à porter les espoirs du CA. Costaud dans les duels (l'adrénaline aidant), Apoko a une bonne analyse. Il est aussi intelligent et très au-dessus de la moyenne. Il va faire un grand leader au CA s'il est préservé et bien encadré.