Malgré de considérables avancées en matière législative, la torture reste un crime impuni, selon l'Omct Pour la première fois, la réunion du conseil exécutif de l'Organisation mondiale contre la torture s'est tenue en Tunisie, « en considération aux efforts législatifs du pays en matière de lutte contre la torture ». Lors d'une conférence organisée, hier, Mokhtar Trifi, vice-président de l'Omct, a déclaré que la Tunisie a franchi des pas importants dans la prévention et la lutte contre la torture, notamment avec la révision du Code des procédures pénales qui modifie les conditions de détention. « Il est indéniable que la Tunisie, malgré les lacunes que nous n'avons pas manqué de signaler aux autorités tunisiennes, a fait des efforts considérables dont l'imprescriptibilité du crime de torture dans la Constitution (article 23), la mise en place de l'Instance nationale de prévention de la torture et la révision du code pénal ». Malgré ces efforts sur le plan législatif, l'Omct demeure inquiète quant à la réalité qui n'est pas toujours en adéquation avec la législation adoptée dans ce domaine. Pour preuve, Mokhtar Trifi dévoile que sur les centaines de plaintes déposées pour torture, aucun jugement sous qualification de «torture» n'a été rendu. « Les avancées sont insuffisantes, nous l'avons fait savoir aux autorités, note Mokhtar Trifi. Les systèmes sécuritaires n'ont pas été réformés et le système judiciaire manque cruellement de moyens et il n'y a surtout pas la volonté suffisante pour condamner les tortionnaires ». En septembre dernier, le Comité des Nations unies contre la torture accuse la Tunisie d'avoir violé la Convention contre la torture, dans l'affaire dite de « Rached Jaïdane », et ce, en ne condamnant pas les tortionnaires. Accusé de préparer un attentat contre le RCD (ancien parti au pouvoir) et condamné en 1996 lors d'un procès expéditif n'ayant duré que 45 minutes, Rached Jaïdane a, pendant son interrogatoire et son incarcération, subi différentes formes de torture : « Coups de poing, de pied et de matraque sur tout le corps, la tête et les organes génitaux, sévices sexuels, électrocutions, supplice de la baignoire, écrasement des doigts ». En avril 2015 pourtant, les tortionnaires sont relaxés et la justice a considéré les faits comme « prescrits ». Aujourd'hui, Rached Jaïdane souffre encore des séquelles des traitements inhumains qu'il a subis. « Nous allons continuer à nous battre pour que les tortionnaires de M. Jaïdane soient condamnés », affirme Mokhtar Trifi. La présidente de l'Omct note à cet égard que malgré des réformes significatives, la culture de l'impunité semble avoir la peau dure. « Le véritable test d'un processus de réforme accompli sera la fin de l'impunité. Assurer un accès effectif à la justice pour les victimes de torture n'est pas une option facultative. Nous espérons que l'engagement exprimé lors de nos rencontres avec le président de la République et le chef du gouvernement se traduira par des mesures claires et concrètes pour tenir responsables les auteurs d'actes de torture et mettre en place des mesures qui protègent les victimes contre toutes formes de représailles », peut-on lire dans la déclaration officielle du conseil exécutif de l'Omct. En août dernier, 11 associations ont présenté leur rapport de suivi au Comité contre la torture des Nations unies, dans lequel ils exhortent les autorités tunisiennes à changer d'attitude face à la torture, tout en formulant un certain nombre de recommandations. Si la Tunisie s'est engagée à appliquer presque la totalité des mesures correctives, aucune action concrète n'a encore été menée. « Les autorités tunisiennes se sont engagées toutefois à ne plus recourir au test anal pour prouver l'homosexualité, nuance Mokhtar Trifi. A mon avis, cet article 230 devrait purement et simplement disparaître ». L'Omct s'est également prononcée contre le projet de loi réprimant les agressions contre les forces de l'ordre, le jugeant liberticide. « La législation actuelle garantit la protection des forces armées, d'ailleurs ces textes sont parfois utilisés de manière abusive », précise Mokhtar Trifi.