Le gouvernement a annoncé, hier, une révision imminente de l'arsenal juridique relatif à la torture qui devrait mettre fin à l'impunité des tortionnaires ayant sévi avant 1996, lesquels étaient jusque-là « protégés » par l'article 5 du décret-loi N° 106 du 22 octobre 2011 qui fixe le délai de prescription du crime de torture à 15 ans. C'est le ministère de la Justice qui a annoncé dans un communique rendu public hier avoir décidé de mettre en place une équipe de travail chargé d'amender certains articles du décret-loi N° 106 datant du 22 octobre 2011. Cette équipe de travail est composée de spécialistes et de représentants de la société civile . Elle devrait notamment, selon le communiqué, examiner l'amendement de l'article 5 du décret en question, qui a été promulgué sous le gouvernement de Béji Caïd Essebsi, afin de consacrer le principe de l'imprescriptibilité du crime de torture conformément aux dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme ratifiées par la Tunisie. Selon certains observateurs, cet article qui fixe le délai de prescription du crime de torture à 15 ans viserait à protéger certains anciens membres du gouvernement qui pourraient être poursuivis pour des actes de torture. L'adoption du principe de l'imprescriptibilité du crime de torture doit permettre, de facto, à toutes les anciennes victimes de torture de demander l'ouverture d'enquêtes ou d'engager des poursuites judicaires contre leurs tortionnaires qui sont toujours en vie. L'amendement du décret N° 106 devrait aussi concerner l'article 101. L'intérêt se porte, dans ce cadre, sur la criminalisation de tous les actes pouvant être considérés légalement comme des pratiques de torture ou de mauvais traitement. L'article 101 devrait également stipuler dorénavant l'aggravation des sanctions pénales relatives aux actes de torture commis par des tortionnaires récidivistes ou ciblant des mineurs, et ce conformément aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Selon le communiqué du ministère de la Justice, l'amendement du cadre légal relatif à la torture devrait, d'autre part, rendre les aveux extorqués sous la torture nuls et non avenus. Sur un autre plan, la reconnaissance du droit des personnes torturées à des réparations morales et financières devrait être au centre du nouvel arsenal juridique relatif à la torture, un pas , positif qui va permettre à des milliers de personnes de demander justice et dédommagement. Pression de la société civile Le dossier de la torture est revenu au devant de la scène politique et médiatique ces dernières semaines. Plusieurs ONG estiment que la révolution n'a pas mis fin à la torture, notamment dans les postes de police et les lieux de détention. Tout récemment, un Tunisien écroué pour un vol présumé est décédé des suites d'actes de « torture» dans les locaux de la police à Tunis, selon Radhia Nasraoui, présidente de l'Association tunisienne de lutte contre la torture. Abderraouf Khammassi, 40 ans, est mort samedi à l'hôpital où il avait été admis une douzaine de jours plus tôt « dans un état comateux, un gros hématome à la tête, après avoir séjourné dans des locaux de la police». Selon Me Nasraoui, l'homme originaire de Jérissa (nord-ouest) avait été arrêté alors qu'il se trouvait au chevet de son épouse alitée dans l'hôpital des maladies cancéreuses à Tunis, à la suite d'une plainte pour vol déposée par une voisine. «Ce drame apporte la preuve que la torture continue d'être pratiquée en Tunisie après la chute du régime Ben Ali», a déclaré Me Nasraoui, militante Par ailleurs, un groupe de jeunes blogueurs tunisiens, dont le cyber-activiste Yassine Ayari, ont lancé un appel à manifester contre la torture aujourd'hui ( le vendredi 14 septembre 2012) à La Kasbah afin d'imposer l'ouverture de dossier par la classe politique, les médias, les forces de sécurité et les juristes. Les organisateurs de la manifestation prévu à 15h 30, place La Kasbah estiment que «les médias, les partis politique et les personnalités nationales font preuve d'un grand désintérêt à l'égard du dossier de la torture en Tunisie malgré sa grande importance ». Ils affirment que la manifestation vise à «déclencher des poursuites contre les tortionnaires et leurs complices qui se sont tus sur l'existence de la torture» Dans leurs rapports relatifs aux atteintes aux droits de l'Homme en Tunisie, plusieurs ONG ont estimé le nombre de personnes torturés dans les prisons tunisiennes sous le règne de Ben Ali à plus de 30. 000 personnes qui sont majoritairement des islamistes.