Les Rencontres Africa 2017 tenues simultanément, jeudi et vendredi, à Tunis et dans la capitale kényane, Nairobi, avec le partenariat de la France, ont suscité le questionnement de bien des Tunisiens. Pourquoi la France mise-t-elle sur la Tunisie? Quels seraient les points focaux d'une bonne stratégie de redémarrage en Afrique pour la Tunisie ? Et quel plan d'action pour traiter avec une Afrique plurielle et qui se veut à deux vitesses ? Eclairages et réponses du Français Marc Hoffmeister, commissaire général des Rencontres Africa 2017 en Tunisie, de Radhi Meddeb, président du groupe Comete (spécialisé dans les métiers de l'ingénierie et du conseil) et de Tarek Cherif, président de la Conect Marc Hoffmeister (commissaire général des Rencontres Africa 2017) : « La Tunisie a les moyens de ses ambitions » Le choix de la Tunisie pour accueillir la deuxième édition des Rencontres Africa, après celle de 2016 à Paris (France), était collectif de l'avis du Commissaire général de cet événement, Marc Hoffmeister. Le pays était arrivé dans le top 5 des pays sélectionnés pour accueillir l'événement par les entrepreneurs français, avant de figurer dans le bon trio. L'affection des investisseurs français pour la Tunisie était décisive, d'après la même source. S'y est ajouté, selon lui, un atout de taille : notamment, l'implantation de 1.200 entreprises françaises en Tunisie, contre 600 au Maroc et 400 en Algérie. Ce qui traduit, souligne le facilitateur du commerce international, une excellente compétitivité tunisienne. « Certes, les indicateurs macro-économiques ne sont pas très bons, la dévaluation du dinar ne vous aide pas actuellement, mais de l'autre côté, il y a des entreprises qui ne se portent pas mal non plus, surtout celles qui exportent, étant ouvertes à l'international », certifie Hoffmeister. Le savoir-faire des compétences tunisiennes a également joué en faveur de Tunis. « C'est vrai que la Tunisie n'est pas un très grand pays à l'échelle mondiale, elle ne l'est ni géographiquement, ni économiquement, mais les Tunisiens savent produire et faire du relationnel. Nous sommes donc là pour aider à l'internationalisation des entreprises tunisiennes pour trouver de nouveaux modes de coopération, mais aussi pour tirer profit de deux profils complémentaires : savoir-faire, travaux de recherche et capacité d'encadrement pour les Français et productivité et bon relationnel pour les Tunisiens », fait observer le Commissaire général de la deuxième édition des Rencontres Africa. Radhi Meddeb (président du cabinet d'ingénierie et de conseil Comete) : « Changer de logiciel dans la gestion de nos relations économiques » Aller vers plus de partenariat, de solidarité et de complémentarité est un gage de réussite dans la globalisation, soutient Radhi Meddeb, président du groupe Comete, spécialisé dans les métiers d'ingénierie et de conseil. Se faire une place en Afrique est tributaire de certains facteurs que Meddeb explique ainsi : « Il faut, tout d'abord, rompre avec les mauvais reflexes. Nous avions une parenthèse datant d'il y a près de 20 ans. Celle-ci ne se limite pas aux années de la révolution (soulèvement populaire du 14 janvier, Ndlr), mais elle se veut à deux niveaux ». Avant la révolution, précise l'économiste, « c'était une parenthèse de fermeture sur nous-mêmes, d'autosatisfaction et de refus d'engager le pays dans une globalisation maîtrisée ». Puis, pendant les sept dernières années, les Tunisiens se sont beaucoup occupés de questions politiques négligeant celles économiques. Aujourd'hui, il semble que les choses sont en train de bouger pour fermer ces deux parenthèses et s'occuper de l'économie, fait observer Meddeb. Sous cet angle, il préconise un nouveau modèle de développement plus inclusif, intégrant toutes les forces vives du pays et toutes les parties prenantes dans cet effort d'ouverture. Parlant diplomatie économique, le géostratège tunisien plaide pour un meilleur accompagnement de l'Etat, soulignant que les meilleurs diplomates économiques du pays sont jusque-là les entreprises tunisiennes qui ont pris l'initiative d'aller seules sur les marchés maghrébins avant d'intégrer les marchés de l'Afrique subsaharienne. Il a, au demeurant, fait état d'une initiative salutaire, en rapport avec le dernier remaniement ministériel qui a intégré un secrétariat d'Etat à la diplomatie économique. Tarek Chérif (président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie) : « l'Afrique de l'Est mérite aussi notre attention » Il est vrai que la Tunisie a un avantage en Afrique de l'Ouest, compte tenu d'un rapprochement culturel, du fait de la maîtrise de la langue française et des similitudes civilisationnelles, mais il ne faut pas se contenter de cette région du continent, prévient Tarek Chérif, président de la Conférédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect). L'Afrique de l'Ouest regroupe 15 pays (le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo). Pour Chérif, l'Afrique de l'Est mérite, elle aussi, l'attention de la Tunisie, compte tenu de son taux de croissance économique « extraordinaire ». Région la plus performante du continent, l'Afrique de l'Est a enregistré un taux de croissance supérieur à 6% en 2016, selon la 16e édition du rapport « Perspectives économiques en Afrique », publié par la Banque africaine de développement (BAD). Les pays est-africains se chiffrent à dix : l'Ethiopie, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie, l'Erythrée, le Soudan, le Djibouti, la Somalie et le Burundi. Le président de la Conect s'attend, du reste, à ce que la Tunisie ait une compétitivité renforcée avec sa prochaine adhésion au Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa). Les Etats membres actuels de ce marché commun étant le Burundi, l'Union des Comores, la RD.Congo, le Djibouti, l'Egypte, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, la Libye, Madagascar, le Malawi, l'Ile Maurice, le Rwanda, le Soudan, le Swaziland, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.