Qui donc est venu au monde en premier ? Est-ce la pénurie ou la cherté de la vie ? N'est-ce pas en fait la baisse de l'offre face à la demande ? Car, les économistes en ont convenu, «tout ce qui est rare est cher». Et les Tunisiens sont bien d'accord là-dessus : l'œuf ne dit «taq»… Oui, c'est qu'il y a une faille. Lorsque les bouchers se mettent spontanément d'accord sur un prix élevé qui dissuade les ménages, c'est forcément que les tensions du marché y sont pour quelque chose. Et cela est également vrai pour le lait ou les œufs, mais à la différence que leur prix est strictement homologué. D'où un risque d'écroulement total de l'offre en cas de tour de vis, le produit étant alors dissimulé, enfoui dans les caves, les frigos et les hangars, à l'abri du regard. Face à de tels scénarios, jusque-là la force de l'habitude a fait que l'administration menace de sévir. Puis met en ordre ses brigades de contrôle. Et enfin organise une opération genre «coup de poing» soldée par un chiffre impressionnant d'infractions relevées et de P.V. dûment établis à l'encontre de «commerçants véreux», voire de «spéculateurs» enfin démasqués… «Et pourtant, elle tourne!», disait Galilée. Et pourtant, ça continue. Parce que les mécanismes du marché sont les plus forts. De sorte qu'il serait temps que les différents intervenants, autant que l'opinion publique, sachent analyser le phénomène à sa juste valeur et lui réserver l'attitude la plus adéquate. Et l'attitude la plus adéquate consiste en une intervention au niveau des termes du marché. Certes, le pressing qu'opèrent les pouvoirs publics pour freiner les tendances inflationnistes est bénéfique. Il matérialise un suivi de tous les instants qui tempère le renchérissement du coût de la vie. L'Etat appuie son action par les stocks de régulation et par une modernisation des circuits de distribution, accordant un surplus d'autonomie et d'équilibre au marché, ne recourant désormais à l'outil du contrôle répressif qu'accessoirement. Mais il faut agir davantage en amont et donner toute sa place à l'information. Et avec la naissance de l'Institut national de la consommation, le consommateur aura droit à toutes les informations utiles, en même temps que les opérateurs économiques, lesquels pourront agir sur le marché conformément à la conjoncture. Bref, désormais, lorsqu'une denrée voit ses prix flamber, le consommateur ne devra plus s'en remettre à son seul ressentiment. «Ils ont augmenté le prix de…» n'aura plus de raison d'être. Car c'est au marché qu'il faudra faire appel en jouant sur l'offre et la demande. Y compris en important de la viande rouge ou du lait chaque fois que la situation y invite. Et au plus vite.