Parallèlement au rectangle vert, le CA a bataillé sur d'autres terrains, et a conquis des trophées autres que sportifs. Il a puisé dans le creuset national et dans le patrimoine populaire pour mûrir et grandir. Le Club Africain a fêté son 97e anniversaire, célébrant 97 ans d'histoires jalonnées de succès, mais aussi de souffrances et de turbulences, le tout sur fond de sacrifices qui lui ont permis de forger sa propre identité. La fibre patriotique aidant, le Club Africain a été le premier club Tunisien dont le comité directeur était 100% tunisien. Honneur aux pionniers du club de Bab Jédid, des hommes de conviction qui ont associé le nom du CA à la résistance héroïque du peuple Tunisien. D'ailleurs le CA a fièrement arboré dès sa création les couleurs du drapeau national flanqué de l'étoile et du croissant. A travers ses 97 ans d'existence, le Club Africain n'a pas manqué de rayonné sur la scène locale et continentale. Volet palmarès, la formation de Bab Jédid a été la première équipe Tunisienne à remporter la Coupe d'Afrique des clubs champions en 1991 avant de lui associer la Coupe Afro-Asiatique lors d'une saison historique conclue par quatre titres. Tout comme le Club Sportif Sfaxien, le Club Africain a toujours évolué en première division Tunisienne depuis l'Indépendance. Volet individualités de l'équipe-fanion, le meilleur buteur dans l'histoire du Club Africain est l'attaquant Hédi Bayari qui a inscrit 127 buts. Sadok Sassi Attouga, l'emblématique gardien de but international, est le joueur qui a le plus porté le maillot Clubiste, soit à 416 reprises. Ce club, qui a été l'unique association de football Tunisienne dirigée par un Tunisien à l'ère de la colonisation française, a aussi glané deux titres durant l'époque du protectorat. Né pour résister et évoluer dans l'adversité ! «Depuis sa naissance, le Club Africain a toujours évolué dans l'adversité», disait une grande figure du club de Bab Jédid, qui ne croyait pas si bien dire. Car la naissance du CA est à placer dans un contexte où les Tunisiens focalisaient sur la création d'associations sportives, au début du 20e siècle. Mettant à profit des événements majeurs, comme l'annonce du principe d'autodétermination et d'indépendance pour les pays soumis (dans les 14 points du président américain Wilson), ainsi que le développement d'une conscience nationale, les pionniers du CA se sont engouffrer dans la brèche pour forcer leur destin et celui de l'association de 1920. A l'époque, Tunis, et sa médina avait une unité territoriale et identitaire. Et ce n'est que plus tard, à la suite de la création du Club Africain que la vieille ville de Tunis fut divisée, le quartier de Bab Jédid ayant été le premier à forger sa propre identité autour de ce club. L'histoire s'est écrite à «Makhzen essouf» Le CA fut autorisé à exercer le 4 octobre 1920 après la tenue de l'assemblée générale constitutive, dans un café, à Bab Jedid. Le premier siège social du club fut «Makhzen essouf» (dépôt de laine), situé dans le quartier El-Morkadh (place aux Chevaux). Outre Mohamed Soudani et Jameleddine Bousnina, les pères fondateurs sont Salah Soudani, Béchir Ben Mustapha, Mahmoud Mallouche, Chedly Louerghi, Abdelmajid Chahed, Hassen Nouisri, Mohamed Badr, Mohamed Abdelaziz Agrebi, Abderrazek Karabaka, Manoubi Haouari, Fradj Abdelwahed, Mohamed Ayad, Ahmed Dhahak, Mohamed Ezzeddine, Arbi Negli, Ahmed Zeglaoui, Ahmed Mestaoui, Abdelwahab Bouallègue, Mohamed Machouche, Ahmed Ben Miled, Béchir Ben Amor et Abderrahmen Kalfat. Les pères fondateurs furent beaucoup plus intransigeants que ceux de l'Espérance de Tunis (le rival) et imposèrent un bureau entièrement Tunisien, présidé par Béchir Ben Mustapha. Une première dans l'histoire sportive Tunisienne et un précédent sur lequel d'autres équipes ont construit leur création. Ainsi, le premier comité directeur du Club Africain était composé de Béchir Ben Mustapha (président), Jameleddine Bousnina (vice-président), Chedly Louerghi (secrétaire général), Abdelmajid Chahed (secrétaire général adjoint) et Hassen Nouisri (trésorier). Art, lettre, culture, musique, théâtre et sport Depuis sa naissance, le CA s'est identifié à la cause nationale. Peut-on ne pas citer, parmi ses fondateurs, le Dr Ahmed Ben Miled, appelé «médecin du peuple», compagnon du grand Mohamed Ali Hammi, fondateur de la première centrale syndicale Tunisienne. Outre Jameleddine Bousnina, qui fut un écrivain et le premier journaliste sportif Tunisien de langue arabe, la dimension culturelle était présente au CA dont une bonne partie des dirigeants était formée d'hommes de lettres et d'art. Le CA articulait, d'ailleurs, ses activités sur trois axes : le sport, la musique et le théâtre. Ainsi Ahmed Dhahak, Jameleddine Bousnina et Belhassen Ben Chedly ont-ils contribué à la mise en place, en 1934-35, de la troupe de la Rachidia, temple du patrimoine musical tunisien. Au cours de ces années 30, le club disposait déjà de sa propre troupe théâtrale. Dans les années cinquante, le CA était derrière la présentation de certaines pièces de théâtre, écrites, entre autres, par Ahmed Kheïreddine, grande figure du théâtre tunisien. Mohamed Abdelaziz Agrebi et Abderrazek Karabaka, grandes figures artistiques Tunisiennes, ont également été parmi les pionniers Clubistes. La grande cantatrice Chafia Rochdi finançait d'ailleurs certaines activités du club. Il est donc clair que, parallèlement au rectangle vert, le CA a bataillé sur d'autres terrains, et a conquis des trophées autres que sportifs. Il a puisé dans le creuset national et dans le patrimoine populaire pour mûrir et grandir. De Béchir Ben Mustapha à Chérif Bellamine, en passant par Mustapha Sfar, Moncef Okbi, Dr Salah Aouij, Azzouz Lasram, Fathi Zouhir, Ridha Azzabi, Ferid Mokhtar, Ferid Abbès, Ridha Mzabi et Hamadi Bousbii, que de défis et de conquêtes. Le «peuple clubiste» puise toujours, dans ses valeurs, cette force et cet orgueil de rebondir et de se surpasser. Le CA a vu défiler plusieurs générations de grands joueurs mais beaucoup ignorent que le journaliste, l'élégant Abdelaziz Dahmani, demeure l'auteur du premier but de l'histoire du CA après l'Indépendance. C'était en finale de la Coupe de Tunisie, contre le Stade Tunisien perdue 1-3. Mieux, Abdelaziz Dahmani a été de l'équipe clubiste qui a participé au premier match d'un club tunisien hors des frontières. C'était à Oran, en demi-finale de la Coupe d'Afrique du Nord, en 1956, contre SC Belabbès, le premier match où le drapeau tunisien a été hissé sur un stade étranger. En ce temps-là, les autorités françaises avaient refusé de hisser le drapeau tunisien mais Abdelmalek Ben Achour a menacé de retirer l'équipe... Finalement le drapeau Tunisien fut hissé. Ces faits comptent dans la vie d'un club, qui peut s'enorgueillir d'avoir une Histoire, bien plus qu'une éphémère victoire de prestige!