L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a décidé de repousser à la semaine prochaine l'examen des recours déposés par 38 députés contre le projet de loi de réconciliation administrative. Les six membres de l'Instance vont devoir confronter les recours aux réponses, consulter des experts extérieurs à l'Instance, si besoin, et faire, également, appel au droit comparé Le 19 septembre dernier, 38 députés avaient déposé un recours auprès de l'Instance contre la loi adoptée en plénière à 117 voix, mais le compteur des dix jours nécessaires à son examen n'a commencé à tourner qu'à partir du 30 septembre. Et pour cause : l'instance provisoire avait pris son temps pour recueillir les explications des députés signataires du recours au sujet des noms qu'ils ont ajoutés dans la pétition sans consulter leurs collègues (essentiellement des élus de l'UPL). Les dix jours se sont écoulés hier, mais la loi autorise l'Instance à prolonger ce délai d'une semaine. La présidence de la République en tant qu'auteur du projet, mais également la présidence de l'ARP ont, d'ores et déjà, présenté leurs arguments à l'Instance. Dans le recours déposé, les partis d'opposition estiment que le projet de loi de réconciliation administrative bafoue une douzaine d'articles de la Constitution. A commencer par l'article 145 qui oblige le Parlement à demander l'avis consultatif de l'Instance. L'Assemblée a bel et bien demandé cet avis, mais a finalement voté le texte avant la réception de la réponse qui n'a pas été fournie par l'Instance en dépit des rappels de l'ARP. Selon l'opposition, il s'agit là d'une violation de la Constitution. Sur le fond, le recours invoque par exemple l'article 20 de la Constitution qui fait des conventions internationales une norme inférieure à la Constitution mais supérieure aux lois nationales. « Or, nous explique Ghazi Chaouachi, secrétaire général d'Al-Tayar, la Tunisie a ratifié en 2008 la convention internationale contre la corruption, et là, clairement, le projet de loi voté propose un blanchiment de la corruption ». La phobie des pressions L'opposition se dit confiante et estime que leurs recours sont recevables, même si Ghazi Chaouachi dit craindre « les pressions politiques des parties qui ont intérêt à ce que le projet soit adopté », tout en considérant que ces pressions sont « normales » compte tenu de l'enjeu que cela représente pour ceux que le projet doit amnistier. « Les défenseurs du projet avaient pour principal obstacle la pression des élus de l'opposition et la rue, dit-il. Ils ont fait voter le texte à l'Assemblée et pensent que la partie est gagnée, sauf que nous avons confiance en l'indépendance de l'Instance, composée notamment de juges et d'éminents professeurs ». Sur une dizaine de projets de loi portés par l'opposition devant l'Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi, cinq ont été acceptés et cinq ont été rejetés. Enseignante en droit et conseiller juridique à l'Assemblée des représentants du peuple, Mouna Dridi Kraïem explique à La Presse le fonctionnement de l'Instance : « Les 6 membres de l'Instance ont maintenant toutes les données en main, et vont devoir confronter les recours aux réponses fournies par les parties concernées. Ils vont certainement consulter des experts extérieurs à l'Instance et aussi faire appel au droit comparé. En cas d'égalité, la voix du président n'est pas décisive et on se retrouvera devant l'impossibilité de statuer ».