Le journalisme est-il un métier de femmes ? D'aucuns semblent y croire de plus en plus fermement au vu de la féminisation progressive du secteur. Si l'on considère la prédominance de l'effectif féminin au sein des écoles spécialisées en Tunisie, mais aussi dans les pays arabes, l'on se rend à l'évidence d'une présence de la femme dans les médias qui tend à devenir majoritaire dans le futur proche. Actuellement, la moitié des journalistes arabes sont de sexe féminin. Mieux encore, les femmes journalistes persistent plus dans le secteur que leurs collègues hommes qui émigrent vers d'autres activités professionnelles, au bout d'un certain temps. Ce qui prouverait que pour les femmes, l'exercice du journalisme coïncide avec un choix délibéré, voire assuré. D'ailleurs, les quelques études effectuées à ce propos, dont celle de l'Association des journalistes tunisiens datant de 1990, prouvent que le niveau d'instruction des femmes journalistes est sensiblement plus élevé que celui de leurs collègues hommes. Ces données sont d'autant plus importantes que la profession journalistique implique un engagement confinant à l'assujettissement. Si les femmes la choisissent, l'assument et y persistent, c'est souvent au prix d'un effort double, étant donné leurs obligations sociales et familiales. Cet effort consenti a-t-il son revers de visibilité et de mobilité dans la hiérarchie professionnelle? Il semble que la question se pose même dans des pays développés tels que le Canada où les femmes rédactrices-en-chef et rédactrices-en-chef adjointes ne dépassent pas les 5% contre 75% des positions d'autorité dans les grands médias. Les statistiques de la Fédération internationale des journalistes révèlent, en outre, que la présence des journalistes femmes reste infime dans les instances de pouvoir et de décision, notamment les conseils d'administration, les comités de rédaction ainsi que dans les groupements syndicaux. Il est paradoxal que dans nos pays arabes, l'on parle aujourd'hui de leadership féminin, dans une perspective de la promotion du genre, alors que les médias continuent de gérer la présence prédominante de l'élément féminin comme une ressource humaine confinée à l'exécution alors que la conception et la décision restent la plupart du temps l'apanage des hommes. La place accordée à la question du genre dans les choix de développement prouvent la résolution des pouvoirs arabes en place de réenvisager la promotion de la femme dans l'optique d'un partenariat social. Cette option ne se concrétise que lentement dans le secteur des médias. Ici, si les femmes journalistes accèdent à une promotion, c'est souvent conformément à l'avancement administratif et non fonctionnel. Souvent, cet avancement administratif s'avère ne pas être possible en raison du non-respect des statuts et des conventions collectives. Ce qui maintient la carrière de la femme journaliste dans une «logique» de blocage. La législation tunisienne à ce propos s'avère être parmi les plus avancées dans le monde arabe. A la veille du congrès de l'Organisation de la femme arabe, il serait peut-être opportun de suggérer la réflexion sur cette question en partant de ce principe : confirmer les acquis des femmes journalistes tunisiennes en matière d'égalité des salaires et droits professionnels et envisager la compensation de l'effort des journalistes femmes en les impliquant davantage dans la conception et la décision au sein du produit médiatique.