Plusieurs ministres se sont succédé à la tête du ministère de l'Education depuis 2011 sans qu'il y ait une stratégie claire quant à une nouvelle approche adaptée aux nouvelles exigences. Le manque de visibilité continue de causer de graves préjudices au système éducatif tunisien dans son ensemble. Les responsables et les intervenants ont-ils, vraiment, conscience de l'impact de ces lacunes et de l'urgence qu'il y a à engager la mère des réformes, celle de l'éducation nationale ? A vrai dire, on a l'impression que le secteur de l'enseignement est devenu le dernier des soucis au point que l'on applique tout et son contraire. Pourtant, avec le projet de réforme, on avait cru à l'avènement d'une nouvelle ère. Des percées sérieuses ont été faites dans le sens de la rénovation et de la mise à niveau de notre système éducatif. Une somme non négligeable de dispositions ont été prises dont quelques-unes ont été mises en œuvre. Nous citerons, en particulier, l'adoption du système semestriel et le nouveau rythme scolaire depuis l'année dernière. Des propositions jetées aux oubliettes ? Mais d'autres mesures encore plus importantes sont restées en suspens et non des moindres. Pour le moment, tout est gelé. Le passage de M. Néji Jalloul à la tête du ministère de l'Education a été une occasion très rare (quoi qu'en disent ses détracteurs) d'ouvrir d'importants chantiers portant, spécialement, sur la restructuration des méthodes de travail, l'ouverture de l'institution sur la société civile, la solidarité, la révision des priorités (priorité pour les zones déshéritées avec l'accroissement de l'implantation des cantines scolaires et la promotion du transport scolaire en coordination avec les autorités régionales et la société civile, la réduction du nombre d'élèves dans les classes, etc.). Un instituteur nous rappelle que les promesses d'enseigner à partir de cette année le français dès la deuxième année primaire et l'anglais dès la quatrième année sont restées lettre morte. Dans l'enseignement préparatoire et secondaire, d'autres propositions sont jetées aux oubliettes et on ne sait même pas si elles verront le jour. C'est le cas, par exemple, de la diminution des écarts entre les coefficients des différentes matières et l'allégement des programmes pour les élèves du secondaire et, surtout, des classes terminales. Il est vrai que M. Néji Jalloul a pu, au moins, faire passer la pilule de la suppression des 25%. Et c'est déjà un acquis. Deux professeurs (le premier d'éducation islamique et le second d'histoire-géo) nous ont fait savoir qu'ils déploraient l'attentisme incompréhensible qui prévaut aujourd'hui. Ils estiment que nous sommes en train de perdre un temps précieux dans de vaines tergiversations. Tous deux ont l'impression que le ministère de l'Education traite ce dossier à huis clos. En effet, jusqu'à présent, personne ne sait ce qu'est devenu tout le travail accompli par ces nombreuses commissions et ces centaines de participants et de spécialistes. A-t-on le droit de faire table rase de tout ce qui a été entrepris ? Pourquoi ce gâchis et pourquoi ce silence assourdissant à propos de l'un des sujets les plus brûlants ? Blocage sur toute la ligne Malheureusement, les travaux devant aboutir à la mise en place d'une stratégie de l'enseignement ont été stoppés net par des syndicats devenus superpuissants par la force des choses. C'est ce qui leur a permis d'imposer le rythme et les orientations qu'ils voulaient à la réforme tant attendue. Or, actuellement, on ne parle plus de cette réforme comme si elle n'avait jamais existé. D'où l'inquiétude légitime des parents et de la majorité des enseignants. Cette inquiétude est d'autant plus compréhensible qu'elle est à l'origine du blocage de toute rénovation. Les enseignants, tous niveaux confondus, n'ont pas de feuille de route claire qui leur trace le chemin à suivre. Chacun navigue à vue sans consignes précises et, quasiment, sans objectifs. On se demande jusqu'à quand va durer cette situation. Les responsables officiels ne « donnent aucun signe de vie » à ce propos. Même ceux qu'on a contactés ne seraient pas disponibles à cause de «réunions ou de séances de travail». Dans le meilleur des cas, on nous conseille de recourir aux bonnes vieilles méthodes d'antan. C'est-à-dire de passer par la voie bureaucratique en remplissant un formulaire contenant nos demandes. Après, il faudra attendre ! Certes, on peut, peut-être, admettre que le ministère cherche à adopter une nouvelle approche caractérisée par la discrétion. Mais, quand il s'agit d'un tel impératif, on n'a guère le choix. Approché par La Presse pour savoir où en est la réforme, le nouveau ministre de l'Education, Hatem Ben Salem, affirme qu'il préfère travailler dans la discrétion et loin des lumières médiatiques. C'est, justement, ce qu'il a affirmé lors de la cérémonie de signature d'accords de dons de financements qui s'est tenue, hier, au Centre national des langues (Berges du Lac II). Il ne se verrait pas «défiler sur les plateaux des médias pour promettre monts et merveilles». Les résultats de l'action de son département seront concrétisés sur le terrain. Pourtant, nous aurions aimé lui poser ces questions sur le sort qui serait réservé à la réforme et savoir si elle n'était pas au point mort. Mais son refus de faire des déclarations à la presse était significatif puisqu'il «n'y avait rien de nouveau à annoncer». Abdelbasset Ben Hassen, membre du comité de pilotage de la réforme : Le projet de réforme soumis au gouvernement Contacté par La Presse, Abdelbasset Ben Hassen, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme et membre du Comité de pilotage de la réforme éducative, précise : «Nous avons soumis le projet de réforme du système éducatif au gouvernement et nous lui demandons de l'adopter dans les plus brefs délais et de le soumettre par la suite au Parlement. Nous attendons actuellement que le gouvernement invite le Comité de pilotage de la réforme à reprendre ses travaux, à travers ses différentes commissions techniques, en vue de mettre en œuvre les textes d'application relatifs à la loi sur la réforme». Un don de 12.6 millions d'euros pour la formation des éducateurs, l'alimentation et la protection de l'environnement scolaire L'engagement des partenaires internationaux au côté de la Tunisie trouve son explication dans les choix stratégiques adoptés depuis la création de l'Etat moderne par le président Bourguiba. C'est, en substance, l'idée force de l'allocution prononcée par le ministre de l'Education, Hatem Ben Salem. C'était à l'occasion de la signature, hier, d'accords de financement d'un montant global de 12.6 millions d'euros. Ces accords ont été signés entre le ministère, d'un côté, et l'Union européenne (UE), l'ambassade d'Italie, l'Agence italienne pour la coopération au développement (Aics), le Programme alimentaire mondial (PAM) ainsi que l'Unicef, de l'autre. En vérité, il s'agit d'un don qui se répartit entre un double accord de financement de l'Unicef et de l'UE d'un montant de 5.5 millions d'euros, d'un autre entre l'Unicef et la coopération italienne d'un montant de 4.6 millions d'euros. Un autre, d'une valeur de 2.5 millions d'euros, a été signé par la coopération italienne et le PAM. Les objectifs assignés à ces financements ciblent l'amélioration de la qualité de l'éducation et de l'apprentissage à travers le renforcement des capacités du système, de l'environnement et de l'alimentation. On vise, aussi, la lutte contre les facteurs menant au décrochage scolaire et à l'échec. Les signataires présents (Patrice Bergamini, ambassadeur de l'UE, Raimondo De Cardona, ambassadeur d'Italie, Flavio Lovisolo, directeur régional de l'Aics, Maria Lukyanova, représentante du PAM ainsi que Lila Pieters, représentante de l'Unicef en Tunisie) ont tous souligné l'intérêt qu'ils accordent à cet important partenariat. C'est est d'autant plus vrai qu'il sera possible, à travers cette contribution financière, de réaliser de nombreux programmes dont, entre autres, la généralisation des classes préparatoires, la réalisation de l'objectif « du droit de tous les enfants à une éducation citoyenne et de qualité ». A.C.