Par M'hamed JAIBI La nouvelle faisant état de l'arrêt prochain de l'importation des glibettes blanches de Turquie représente l'expression tardive mais fort judicieuse d'une volonté de préserver les intérêts des producteurs agricoles tunisiens, un domaine d'activité qui recèle une part importante de notre indépendance, celle alimentaire. On avait, dans un premier temps, argué, au sujet de notre grand déficit commercial avec la Turquie, de l'existence d'un accord de libre-échange avec ce pays frère, datant de bien avant la révolution, et qu'il était nécessaire, pour geler provisoirement ou partiellement cet accord, d'invoquer auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) des difficultés conjoncturelles majeures exigeant des «mesures de sauvegarde». Qui viendraient s'ajouter à celle, déjà, consistant en le déficit, désormais majeur et durable, qu'enregistre notre balance commerciale globale. Les mesures de sauvegarde invoquées ont été définies à l'article XIX du Gatt de 1994, comme étant des mesures «d'urgence» pouvant être sollicitées suite à l'accroissement des importations de certains produits, lorsque ces importations causent ou menacent de causer un dommage grave à la branche de production les concernant dans le pays importateur membre de l'OMC. Ces mesures, qui prennent généralement la forme d'une suspension de concessions ou d'obligations vis-à-vis d'autres pays, peuvent consister à appliquer des restrictions quantitatives à l'importation, ou à relever les droits de douane au-delà des taux convenus. Afin de protéger le marché local. De telles mesures constituent, avec les mesures antidumping et les mesures compensatoires, l'un des trois types de mesures de protection des échanges dont disposent les pays membres de l'OMC. Mais ces mesures doivent être temporaires. L'importation de cette variété de glibettes blanches est venue concurrencer la culture du tournesol et le commerce des glibettes locales qui en sont issues. Or, cette culture, qui prospérait avant l'arrivée des graines turques, intéressait de vastes superficies agricoles dans diverses régions du pays, et faisait vivre des milliers de paysans. Il était donc bien normal de voir le ministère de l'Agriculture engager les formalités légales de mise en œuvre des mesures de sauvegarde concernant ce produit. Mais, au-delà des glibettes turques et de leur aspect anecdotique, c'est de la préservation de nos produits locaux et de nos cultures agricoles qu'il est ici question, ainsi que de la protection de nos entreprises et de nos emplois, qu'ils soient agricoles, industriels ou commerciaux. Ces derniers temps, à titre d'exemple, le domaine de la production et commercialisation des portes et fenêtres en bois est terrassé par le flot inquiétant des produits similaires importés de Turquie à des prix trop concurrentiels. Mais les exemples de ce type sont légion qui interpellent l'attention de l'Etat et sa vitale réactivité. Les accords de partenariat ou de libre-échange, d'hier ou de demain, doivent être examinés et soupesés sous l'angle de l'intérêt national et de celui de chaque catégorie de citoyens. Cela est partie intégrante des obligations de l'Etat, et représente l'un des éléments à l'aune desquels se mesure son prestige. Celui-là même que le président Caïd Essebsi a promis de réhabiliter.