Absentéisme des professeurs, classes surchargées, manque de salles de permanence sont autant de facteurs qui handicapent la bonne évolution des élèves. Toutefois, l'absentéisme des enseignants figure parmi les principaux maux chroniques qui rongent le système éducatif tunisien. A chaque rentrée scolaire, le même problème se pose. De nombreux professeurs s'absentent pour diverses raisons, ce qui se répercute négativement sur le rythme scolaire des élèves. Certains s'absentent quelques heures, d'autres restent absents pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ces enseignants, qui s'absentent souvent sans prévenir soit parce qu'ils sont malades, soit parce qu'ils veulent se libérer pour vaquer à d'autres occupations, avertissent souvent l'administration scolaire à la dernière minute. Ils peuvent s'absenter d'autant plus que l'obtention d'un certificat médical est chose aisée et n'est soumise à aucun contrôle. L'état de santé, généralement justifié par des certificats médicaux, est la principale raison invoquée. La plupart des établissements scolaires enregistrent un taux d'absentéisme plus élevé chez les femmes qui prennent des congés de longue durée soit pour cause de maternité ou parce qu'elles passent par des phases de dépression causée par les mauvaises conditions dans lesquelles elles enseignent depuis plusieurs années : stress lié à leur métier, classes surchargées, éléments perturbateurs... Ce sont surtout les élèves qui en pâtissent. Ces derniers qui ne sont généralement pas avertis à l'avance de l'absence de leur professeur arrivent à leur établissement avec un cartable chargé de livres et de cahiers et doivent attendre dehors le ou les cours qui succèdent celui du professeur absent. C'est leur motivation alors qui en prend un sérieux coup car ils perdent du temps à poireauter à l'extérieur de leur école ou lycée sans rien faire, ce qui finit par les ennuyer au plus haut point. D'autres, qui ont la chance d'habiter à proximité, choisissent par contre de rentrer pour alléger leur cartable et se reposer avant de revenir à leur établissement. L'absentéisme fréquent des enseignants exaspère les parents qui sont obligés de prendre une autorisation de leur travail pour aller récupérer leurs enfants, obligés d'attendre devant leur établissement. Au collège Sadiki, qui se trouve à proximité de l'Hôtel de Ville, les absences des enseignants sont fréquentes. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un ou deux professeurs s'absentent. «Depuis le début de la rentrée scolaire, le professeur de sport de ma fille n'a pas fait une seule séance, a relevé une parente. Tous les jours, il y a un ou deux professeurs absents au minimum. Je me rappelle de ce jour où ma fille n'a étudié qu'une seule heure alors qu'elle avait normalement six heures de cours». Manque de communication Interrogée, une autre parente d'élève déplore l'absentéisme excessif de certains enseignants qui finit par avoir un impact négatif sur le niveau des élèves. «La professeur de mathématiques de mon fils a été absente trois jours successifs sans que nous sachions la raison. On ne nous a fourni aucune explication au niveau de l'administration scolaire. Nous ne savions pas si elle allait revenir ou non ni la raison pour laquelle elle était absente. C'est en rencontrant par hasard le directeur que j'ai su qu'elle allait reprendre les cours juste après les vacances. Les parents sont toujours les derniers à être au courant de l'absence des enseignants...». Une autre mère en colère se confie sur le phénomène. «J'ai deux enfants au lycée. J'ai remarqué que leur niveau a baissé en anglais car leur professeur est constamment absente. Le problème c'est que lorsqu'elle s'absente pendant une longue période, l'administration ne veille même pas à la remplacer par un enseignant suppléant afin de poursuivre les cours dans cette matière et d'éviter ainsi aux élèves d'oublier ce qu'ils ont appris jusqu'ici». Selon N., enseignante d'arabe au lycée de la rue de Lénine, il faudrait constituer un vivier d'enseignants suppléants afin d'y faire recours pour préserver la continuité des cours et des apprentissages. Dans cet établissement, à cause des congés de longue durée de certains enseignants, les professeurs présents se retrouvent avec des classes surchargées comptant jusqu'à quarante élèves «ce qui finit par nuire à la qualité de l'enseignement», note cette enseignante. La rue, un refuge pour les élèves ? Comment les élèves passent-ils leur temps libre lorsqu'un ou plusieurs enseignants s'absentent ? Interrogés, des lycéens et des lycéennes avouent passer les heures creuses dans la rue à fumer et discuter avec leurs camarades de classe. Certains en profitent pour se rendre dans les salles de jeux qui se trouvent dans le centre-ville «pour tuer le temps jusqu'au cours d'après», raconte l'un des élèves rencontré devant l'établissement.Livrés à eux-mêmes, manquant d'activités culturelles ou sportives, faute aussi d'encadrement du staff éducatif, certains d'entre eux tombent dans le piège de la délinquance et commencent à consommer de la drogue et de l'alcool. A cause d'une cellule familiale fragilisée, la souffrance des enfants augmente. Les mauvaises conditions socioéconomiques et l'absence d'écoute et d'encadrement au sein du milieu familial et scolaire conduisent souvent au suicide de jeunes qui se sentent marginalisés et incompris. Absentéisme et violence en milieu scolaire La violence est l'une des causes indirectes qui peut découler de l'absentéisme des enseignants. En effet, à force de rester à l'extérieur de l'établissement pendant les heures où leurs professeurs sont absents, les élèves peuvent adopter des comportements violents et se montrer très agressifs vis-à-vis de leurs camarades. Afin de pallier ce phénomène, il faudrait renforcer l'encadrement des élèves au sein des établissements, mettre à leur disposition des salles de permanence pour qu'ils puissent réviser leurs cours et surtout leur donner la possibilité de pratiquer des activités sportives, culturelles et de loisirs en leur permettant d'accéder à n'importe quelle heure aux clubs de leurs établissements, de l'avis de surveillants exerçant dans des établissements scolaires du centre-ville. «Les activités culturelles restent d'excellents outils qui permettent de renforcer le lien social». Concernant les salles de permanence, une surveillante du collège Sadiki a indiqué qu'il y a un manque de salles pour accueillir les élèves. Même constat au lycée de la rue de Russie où un surveillant a dressé le même constat concernant l'indisponibilité des salles de permanence. «L'absentéisme des enseignants est un phénomène difficile à endiguer, note ce surveillant. Il faut agir en amont en résolvant le problème du manque de salles de permanence qui expose les enfants aux dangers».