Le «Front parlementaire» annoncé menace la suprématie de l'alliance Ennahdha-Nida et fait craindre, dans l'esprit de certains observateurs, une éventuelle déstabilisation du gouvernement d'union nationale. Mais ses initiateurs et protagonistes affirment, pour la plupart, soutenir Youssef Chahed et appuyer l'action du chef de l'Etat. Reste à bien observer l'évolution de l'initiative et ses risques de déviation, à un moment où le pays gagnerait à voir les Tunisiens consolider l'unité des rangs. Il est actuellement le fait de la convergence de 43 députés qui s'érigent en «front parlementaire», mais ce n'est pas un front puisqu'il ne rassemble pas des partis mais des députés venant de plusieurs partis et de groupes parlementaires multiples ou n'appartenant à aucun parti,ni même aucun groupe. Ils sont animés de l'ambition de rivaliser avec les «partis qui veulent commander le pays» et qui l'auraient, selon les propos de Leïla Chettaoui, «ruiné». La plupart proviennent du Nida Tounès historique et de son groupe parlementaire originel, avec un afflux de députés d'Afek Tounès et quelques UPL, mais il s'est agi d'abord d'une convergence entre le groupe national «des huit» présidé par Mustapha Ben Ahmed et le groupe Al Horra affilié à Machroû Tounès. Les initiateurs invoquent une «situation de blocage politique» qu'ils imputent à l'attitude de deux partis : Nida Tounès et Ennahdha. Mais l'initiative va rayer de la carte le parti de Mohsen Marzouk et affaiblir le Nida Tounès officiel que dirige Hafedh Caïd Essebsi. Le nouveau groupe en formation parle de la situation du pays de manière franche et directe. Il souhaite agir en faveur d'un «changement» pour dépasser la crise et relancer le pays, mais tous les gouvernements et groupes avaient cette légitime ambition. Les 43 députés affirment leur totale indépendance vis-à-vis de tous les partis et leur volonté de «courir au secours de l'Etat». Un argument qui séduit plusieurs autres députés qui hésitent encore. Car l'initiative, qui se qualifie de «transversale», reste ouverte à toutes les bonnes volontés et pourrait conduire à un total bouleversement de l'échiquier politique. Certes, le parti Ennahdha et son groupe parlementaire sont indemnes de ce chambardement mais la politique consensuelle risque d'en prendre un coup et donc, peut-être l'influence du parti islamiste. Quoi qu'il en soit, Ennahdha craint que le nouveau groupe ne soit le lieu de rassemblement de ceux qui veulent la «bannir» de la scène politique. Une crainte «infondée», selon Bochra Bel Haj Hmida. Mais il est certain que les initiateurs du nouveau groupe parlementaire, qui affirment soutenir le gouvernement, sont fortement motivés par le souci de modérer l'influence d'Ennahdha.