C'est à l'image d'un paysage politique fragmenté. D'où cette recherche d'un nouveau repositionnement qui s'effectue avec la formation de nouvelles alliances qui se font et se défont au gré des humeurs des uns et des autres. Avec en point de mire les échéances de 2019. L'annonce de la création d'un « front parlementaire progressiste » regroupant des élus des groupes de Mashrou3 Tounes, Afek Tounes ainsi que certains élus de Nida Tounes, a provoqué de vives réactions de rejet de la part notamment de la direction de Nida et du président de son groupe parlementaire. Cette initiative, qui comprend « une bonne dose d'hypocrisie et de mauvaise foi», selon le président du groupe démocrate, Mustapha Ben Ahmed, « cache des desseins inavoués de la part de ses initiateurs ». C'est le député du groupe Al Horra de Mashrou3 Tounes, Sahbi Ben Fredj, qui a annoncé cette initiative dans un statut sur sa page Facebook. Il a déclaré que « les concertations se poursuivent depuis près de deux mois, entre les élus des groupes parlementaires de Machrou3 et d'Afek Tounes ainsi que certains élus de Nida et des indépendants en vue de la formation d'un front parlementaire progressiste ». Ce front « permettra d'unifier les positons et les vues sous la coupole du parlement », a-t-il estimé. Le projet qui, selon lui, est dans sa dernière touche, « ambitionne de rétablir l'équilibre dans le paysage parlementaire ». Contre l'alliance Nida-Ennahdha Ce paysage est dominé par l'alliance scellée entre le mouvement Ennahdha et Nidaa Tounes, le 6 juin 2017, laquelle souffle le chaud et le froid. Les deux grands partis au pouvoir ont, en effet, annoncé, dans un communiqué conjoint, signé par les présidents des deux groupes en présence de Rached Ghannouchi et Hafedh Caid Essebsi, la création d'un comité de coordination. Ce comité a pour mission de « renforcer le consensus entre les députés des deux partis dans le but de préserver la stabilité dans le pays ». Une annonce qui a suscité de multiples réactions, y compris au sein des deux mouvements, allant de la surprise à l'inquiétude. Cette alliance a plombé le paysage parlementaire et fait craindre une hégémonie au sein de l'Assemblée des représentants du peuple. Même s'ils tolèrent autour d'eux d'autres groupes qui font, de temps en temps, entendre leur différence, Ennahdha et Nidaa, tirent toujours les marrons du feu. Et c'est justement cette crainte, outre le souci d'un rééquilibrage du paysage parlementaire, qui a présidé à l'annonce de cette initiative. La présidente du groupe parlementaire d'Afek Tounes, Rim Mahjoub qui fait partie de initiateurs du front, a expliqué que « ce front sera composé par des députés et non des partis politiques ». Elle a, toutefois, exclu toute adhésion des députés du mouvement Ennahdha faisant penser qu'il est dirigé, essentiellement, contre l'hégémonie de ce mouvement. Le niet de Nida Tounès Le premier à avoir réagi contre cette initiative, est le directeur exécutif de Nida Tounes, Hafedh Caid Essebsi qui s'est fendu d'un communiqué virulent, publié mercredi sur sa page « Facebook », pour menacer « d'exclure du parti et de son groupe parlementaire » tout élu de Nida qui adhère à cette initiative, « en application des dispositions du règlement intérieur et par souci de préservation de l'unité du parti et de son groupe». Il a affirmé que « les positions officielles » de Nida sont publiées « dans les communiqués signés par son directeur exécutif ». Lui emboîtant le pas, Sofiane Toubal, président du groupe parlementaire de Nida Tounès a indiqué que cette initiative ne concerne nullement les députés de son mouvement. Elle est « l'œuvre de parties connues », sans les nommer, qui « essayent de refaire surface sur la scène politique ». Il craint la fissure de son groupe qui a déjà perdu une trentaine de membres. Le député Mustapha Ben Ahmed, président du groupe démocrate, connu pour son franc parler, a été plus explicite en pointant du doigt le secrétaire général de Mashrou3 Tounes, Mohsen Marzouk qui cherche à se repositionner après avoir quitté le front du salut qu'il a créé avec d'autres partis. « Certes, nous avons discuté de cette proposition avec d'autres députés de Machrou3 Tounès et d'Afek, notamment, mais nous avons exigé un préalable, l'élaboration d'une plateforme commune qui ne soit arrimée à aucun parti politique », a-t-il souligné. « Or, certains se sont précipités à l'annoncer, anticipant le mûrissement de l'initiative, ce qui risque de la voir étouffée dans l'œuf », a-t-il ajouté. S'il y a une part de vérité chez les initiateurs du front parlementaire qui veulent s'unir pour contrer la menace hégémonique d'Ennahda et de Nida, il y a, aussi, « une bonne dose d'hypocrisie », comme l'a souligné Mustapha Ben Ahmed. Les vrais mobiles sont à chercher, selon lui, « en dehors de l'Assemblée ». « Nous ne voulons pas être instrumentalisés, ni nous comporter en moutons de Panurge ». C'est ce qu'a, également, compris la députée de Nidaa Tounes Fatma Mseddi qui s'est sentie « abusée » en signant pour ce projet croyant qu'il s'agissait « d'un mécanisme qui aiderait le chef du gouvernement dans la mise en œuvre des réformes ». Or, a-t-elle expliqué, « il s'est avéré qu'il s'agissait d'un mécanisme créé au profit de Mohsen Marzouk ». 2019 en point de mire D'aucuns pensent que le projet serait « mort-né ». Tout comme d'autres projets ou initiatives qui ont été annoncés en grande pompe. La dernière en date est celle du front du salut, initié notamment par trois personnalités politiques, Mohsen Marzouk, Ridha Belhaj et Slim Riahi et qui a été, justement, créé en réponse à l'alliance entre Nida et Ennahdha. Elle n'a pas tenu longtemps, après le départ de Marzouk et le gel des activités de Slim Riahi embourbé dans les affaires. C'est à l'image d'un paysage politique fragmenté. D'où cette recherche d'un nouveau repositionnement qui s'effectue avec la formation de nouvelles alliances qui se font et se défont au gré des humeurs des uns et des autres. Avec en point de mire les échéances de 2019.