Les nidaïstes sombrent de nouveau dans la crise. Maintenant, ce sont les coordinateurs régionaux (21 sur 27) qui refusent la gestion des affaires du parti par Hafedh Caïd Essebsi et rejettent l'accord sur la création d'un haut comité de coordination avec Ennahdha Finalement, Nida Tounès et Ennahdha, les deux partis les plus influents dans le pays et les deux piliers du gouvernement d'union nationale présidé par Youssef Chahed (même s'ils n'y sont pas représentés comme ils le souhaitent), ont pris leur courage à deux mains et ont décidé, mercredi 7 juin, de créer un comité de coordination qui aura pour mission de renforcer le consensus entre les députés des deux partis dans le but de préserver la stabilité dans le pays». Et c'est Mongi Harbaoui, député de Nida Tounès et porte-parole du bureau de l'Assemblée des représentants du peuple (Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée, dispose de son propre porte-parole, Hassène Fathalli, ancien journaliste au quotidien Le Maghreb), qui annonce la création du comité de coordination, signifie ses objectifs (le consensus et la préservation de la stabilité du pays) sans fournir d'autres précisions sur les méthodes d'action que va adopter ce comité, ni sur les chefs nidaïstes et nahdhaouis qui vont diriger le comité. Toutefois, on apprend, toujours selon Mongi Harbaoui, que la réunion conjointe Nida Tounès-Ennahdha, qui a abouti à la création du comité de coordination, a été présidée par Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, et Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nida Tounès. Voilà tout concernant volet informations officielles relatives à la création du comité de coordination parlementaire nahdhaoui-nidaïste. L'annonce de la naissance de ce comité prend à première vue l'aspect d'un communiqué officiel comme ceux publiés régulièrement, à titre d'exemple, par le ministère des Finances, rappelant le dernier délai des déclarations de revenus annuels. On fait déjà le ménage Et c'est aux citoyens qu'il revient de faire l'effort de comprendre ce que vont faire ensemble effectivement les députés nahdhaouis et nidaïstes d'ici l'avènement des vacances parlementaires prévues en principe d'ici fin juillet prochain, sauf si l'on décide d'ici la fête de l'Aïd El Fitr que la session parlementaire actuelle se poursuivra exceptionnellement durant la saison estivale afin que les députés puissent examiner et adopter les lois dites urgentes, comme la loi sur les collectivités locales, la loi sur la lutte contre l'enrichissement illicite, la loi sur la réconciliation économique et financière, etc. Pour le moment, l'opinion publique est dans les généralités pour ce qui est des objectifs relatifs au comité de coordination en question. Comme à l'accoutumée, c'est Noureddine B'hiri, le chef du groupe parlementaire nahdhaoui connu pour sa propension à jouer le rôle de rassembleur et de pompier de tous les incendies, qui s'est chargé de nous éclairer sur la question. Jeudi 8 juin et durant près de vingt minutes, sur les ondes d'une radio privée, il a fait l'éloge d'une expérience qui n'a pas encore commencé, estimant que «la guerre contre la corruption nous impose de nous rassembler et de soutenir le gouvernement pour qu'il aille au bout de cette guerre». Du côté de Nida Tounès, on s'est contenté jusqu'ici du communiqué du mercredi 7 juin. Toutefois, on a commencé à réunir les conditions qui pourraient ouvrir la voie à un départ sans accroc du haut comité de coordination Ennahdha-Nida. En effet, Sofiène Toubal, le chef du groupe parlementaire nidaïste, a pris la décision de nommer la députée Hela Omrane à la tête de la commission parlementaire d'investigation sur les réseaux d'envoi des jeunes jihadistes dans les zones de tension en remplacement de Leïla Chettaoui, expulsée du groupe parlementaire nidaïste et du parti lui-même et ayant rejoint le bloc Al Horra parlant au nom du parti Machrou Tounès. Sauf que les choses ne semblent pas évoluer comme le veulent Hafedh Caïd Essebsi et Soufiène Toubal puisque, jeudi soir, ils ont eu droit à un communiqué incendiaire signé par 21 chefs des 27 coordinations régionales du parti condamnant l'accord Nida-Ennahdha et appelant à une réunion d'urgence de l'instance politique du parti, dimanche 11 juin, dans le but «d'annoncer l'annulation de l'accord en question et de procéder aux réajustements devenus plus que jamais urgents afin que Nida Tounès revienne à sa ligne politique initiale et que les intrus propulsés dernièrement aux postes de direction soient écartés». Les signataires du communiqué en question estiment que l'accord signé par Hafedhh Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi constitue «un revirement inacceptable de la ligne politique tracée par le fondateur du parti, le leader historique Béji Caïd Essebsi, une exclusion des membres fondateurs, intervient à un moment louche et met le parti sous la coupe du mouvement nahdhaoui». Hier, Tahar Battikh, le coordinateur nidaiste de la région de Ben Arous et l'un des signataires du communiqué déjà baptisé «le communiqué de la rébellion», a longuement expliqué les raisons de la fronde des coordinations régionales : «Personne n'a été consulté avant la signature par Hafedh Caïd Essebsi de l'accord annonçant la création du comité de coordination avec Ennahdha. Moi, personnellement, j'en ai pris connaissance sur Internet. J'ai signifié à Hafedh Caïd Essebsi ma désapprobation et du contenu de l'accord et sur la manière avec laquelle il dirige le parti et je lui ai fait savoir que les coordinateurs régionaux qui subissent quotidiennement la pression des militants nidaïstes de base ont leur mot à dire sur tout ce qui engage leur parti». Il ajoute : «Dimanche 11 juin, nous tiendrons une réunion élargie de l'instance politique du parti pour mettre les points sur les i et prendre les décisions qu'il faut dans le but de mettre fin aux mauvaises pratiques sévissant au sein du parti depuis une certaine période dont en premier l'opinion unique et la prise de décision sans que les coordinations régionales ne soient consultées ou même informées». Que peuvent faire les coordinateurs régionaux au cas où ils ne seraient pas écoutés par la direction centrale du parti ? Tahar Battikh répond : «Personne n'ignore le poids réel des coordinations régionales et tout le monde nidaiste sait ou doit savoir, s'il l'a oublié, que Nida Tounès n'est pas uniquement la direction centrale installée aux Berges du Lac et les députés s'activant au Palais du Bardo. Nida Tounès est formé essentiellement de militants de toutes les régions du pays. Quand les coordinations du Grand Tunis, de Sfax et du Sahel se rebiffent et le font savoir au moment où les élections municipales approchent à grands pas, il n'est plus acceptable que le parti ou la direction centrale, pour être plus clair, poursuive cette démarche qui a montré ses limites».