Le rideau est tombé sur la 28e édition des Journées Cinématographiques de Carthage (4-11novembre) samedi dernier au Théâtre municipal de Tunis. Une soirée au cours de laquelle les différents jurys ont annoncé leur verdict et distribué les prix aux gagnants. Dans son allocution de clôture, Néjib Ayed, directeur général de cette édition des JCC, a notamment indiqué que globalement la 28e édition est réussie grâce, d'une part, la sélection des films et, d'autre part, l'affluence du public tout en reconnaissant qu'il n'est pas encore temps d'évaluer les points forts et faibles de cette édition. Cette estimation est contredite par Tahar Ben Ghedifa, président du jury de l'Ugtt, qui a fait remarquer, lors de la remise du prix Ugtt, que 8 films de fiction en compétition officielle ne sont pas au niveau requis. Il faut reconnaître qu'excepté les soirées d'ouverture et de clôture, l'organisation de cette 28e édition a été un fiasco total. Interrogé par une journaliste de l'émission «Tawq el Yasamine» sur la Watania 2 sur les films qui l'ont marqué, un journaliste libanais a déclaré : «Je n'ai pas vu grand-chose parce je n'ai pas pu accéder aux salles en raison de la foule devant les cinémas», et d'ajouter : «C'est dommage de dépenser tant d'argent pour inviter les gens de loin et de ne pas leur consacrer un accès leur permettant de voir les films. En fait, les JCC sont une fête et pas un festival». Tout est dit. Trois milliards ont été dépensés en faisant venir entre autres des cinéastes, des acteurs et des journalistes étrangers pour que ces invités ne puissent pas voir les films à cause d'une mauvaise gestion. Qui en sont les responsables ? Le directeur général, l'équipe qui l'entoure ou encore les mauvais choix ? Prenons le cas de la programmation. Outre le choix des films dont les courts métrages qui laissent à désirer, l'option prise de programmer un court et un long métrage en même temps s'est soldée par le chaos survenu lors de la soirée spéciale consacrée au film tunisien «El Jaida» de Selma Baccar. Michel Khleifi, président de jury des longs métrages, l'a bien précisé lors de la lecture du palmarès. Les courts dépassent souvent les 25 minutes et les longs les deux heures. Ce qui accumule les retards. Une projection ne commence jamais à l'heure. Le public prend un quart d'heure pour s'installer sans compter les pannes successives lors des démarrages des projections. D'autre part, la billetterie n'est pas encore au point. Malgré les 21 points de vente mis en place, le problème est le même. Certains points de vente comme ceux de la Poste ne sont pas toujours opérationnels. L'avant-dernier jour des JCC, il y a eu panne du réseau, ce qui fait que tout est tombé à l'eau. L'idée de ce dispositif est de comptabiliser le nombre d'entrées. Or, les organisateurs n'ont pas tenu compte de cet imprévu. De nombreux invités et journalistes se sont rendu compte que les badges ne servaient à rien puisqu'ils ne donnaient pas accès aux salles. Les journalistes perdaient des matinées dans la file d'attente pour obtenir leurs billets. Les projections de presse ont été supprimées sous prétexte du «nombre insuffisant des médias», selon le directeur général des JCC. Les cabines de projection vidéo installées à l'hôtel qui abrite les JCC n'ont pas du tout fonctionné parce qu'elles n'étaient pas opérationnelles. Autre catastrophe de ces JCC : le service de communication et de presse était quasiment absent. A l'heure où nous rédigeons l'article, le palmarès ne nous a pas encore été communiqué. Est-ce dû à un manque de moyens ou à un laisser-aller de la part des organisateurs ? Outre ces points négatifs, il y a eu quelques réussites notamment au sujet de Carthage Pro : Takmil, qui soutient les projets de films arabes et africains dans la phase de post-prodution et Producers network, les projets au stade de développement. Ces ateliers ont bien fonctionné parce qu'ils ciblent une catégorie de professionnels et leur offrent un espace de dialogue et d'échange dont les résultats sont immédiats. Plusieurs projets retenus ont pu voir le jour dont «La Belle et la meute» de Kaouther Ben Henia présenté l'an dernier à Takmil. L'événementiel qui consiste notamment en l'animation de rue au «Ciné avenue» destiné au large public a donné satisfaction malgré les risques de dérapages qui auraient pu survenir. Certains films qui ont drainé la foule et gagné son estime ne figurent pas au palmarès dont «Sheikh Jackson» de Amr Salama (Egypte) ou encore «L'Insulte» (Procès 23) de Zied Doueiri (Liban). Les Focus à l'Algérie, Argentine, Afrique du Sud et Corée du Sud ont attiré eux aussi un grand nombre de spectateurs qui ont découvert ces cinémas proches ou lointains, privés de projection dans les circuits commerciaux et ne sont accessibles que lors des festivals.