Par M'hamed JAIBI Les boulangers affiliés à la Chambre des boulangeries Utica et ceux du collectif de l'autre organisation patronale, la Conect, sont en guerre. Une guerre qui est, en fait, celle du fiasco du système de compensation de la farine et du pain. Les premiers contestent l'existence même des seconds et leur reprochent de détourner la farine compensée, à laquelle ils n'auraient même pas droit, pour en faire des gâteaux qui leur permettent d'améliorer leur rentabilité. Les seconds affirment que les boulangers en grève se procurent la farine presque gratuitement puis se font subventionner le pain qu'ils fabriquent. Bref, les deux s'accusent mutuellement de piller sauvagement les caisses de l'Etat déjà si mal en point et dénoncent, involontairement, un système de compensation à deux vitesses et un classement des boulangeries et pâtisseries très nocif par son incohérence et ses rapports inégaux, presque énigmatiques, avec les catégories de patente, la fiscalité et le droit aux subventions. Le bruit avait couru, avant la révolution, que la farine compensée était détournée de sa finalité pour être retraitée dans des hangars secrets puis redistribuée en sachets portant des marques diverses à des prix bien plus élevés. D'autres circuits faisaient traverser à notre farine compensée les frontières libyennes et d'autres vers certains pays subsahariens pour un long périple qui la ramenait parfois dans nos murs. A entendre débattre les deux groupes de boulangers en guerre, il apparaît évident que les enjeux sont énormes et qu'aucun ne nous dit la vérité. Comme quoi le plurisyndicalisme peut éclairer l'opinion et mettre la puce à l'oreille des pouvoirs publics. Car il est clair qu'il y a anguille sous roche. D'ailleurs, sabotée par les uns, la grève a vite fait d'être suspendue par ceux qui l'ont déclenchée. Le pot aux roses menaçait d'être découvert. Un journal confrère a d'ailleurs pensé à poser à un boulanger en grève, suite à son récit à propos du trafic dont est l'objet la compensation de la farine : «Ne faut-il pas lever cette compensation et libéraliser la farine ? Mais la réponse était dissuasive: la baguette passerait à 300 millimes !». Ce n'est nullement l'avis du syndicaliste Conect interviewé par Mosaïque FM, qui affirme être en mesure de livrer sur le marché une baguette à 100 millimes. Et puis, la baguette pourrait bien être dé-subventionnée, c'est le pain des bourgeois. Ceux-là mêmes qui, depuis la révolution, paient sans ronchonner dix millimes de plus aux commerçants. M.J.