L'important déficit accusé par notre balance commerciale avec la Turquie a fait couler, ces derniers temps, beaucoup d'encre, suscitant de sévères critiques à l'égard de l'attitude passive du gouvernement tunisien. Il semblerait cependant que l'on s'achemine vers un rétablissement des droits de douane sur une large gamme de produits importés de Turquie Après une vaste campagne incriminant le «milliard de dinars de produits importés chaque année de Turquie», dont les fameuses «glibettes» turques, des voix se sont élevées, de diverses parts, pour demander la suspension de l'accord de libre-échange signé depuis 2004 entre la Tunisie et la Turquie, ou tout au moins pour activer les mécanismes prévus dans les termes de l'accord, pour protéger, le cas échéant, les intérêts économiques de la Tunisie. Possible recours à l'article 17 L'article 17 de l'accord de libre-échange, notamment, prévoit l'éventualité de «mesures exceptionnelles d'une durée limitée dérogeant aux dispositions de l'article 5», qui peuvent prendre la forme d'un rétablissement ou d'un relèvement des droits de douane. Mais cette clause ne peut concerner que des produits dont les équivalents locaux sont fabriqués par des industries naissantes ou qui connaîtraient de graves difficultés ou seraient en cours de restructuration. Cependant, le même article prévoit : «Les droits de douane à l'importation applicables en Tunisie à des produits originaires de Turquie, introduits par ces mesures, ne peuvent pas excéder 25 pour cent ad valorem et doivent maintenir un élément de préférence pour les produits originaires de Turquie. La valeur totale des importations de produits qui sont assujetties à ces mesures ne peut pas dépasser 20 % de la valeur totale des produits industriels importés de Turquie – tels qu'ils sont définis à l'article 4 – pendant la dernière année pour laquelle des statistiques sont disponibles». Rétablissement à 90% ? Les informations parvenues des coulisses de la commission de l'ARP évoquent une suspension totale de l'accord de libre-échange. Mais l'article 36 du projet de loi précise que «les produits d'origine turque, évoqués dans la nomenclature douanière de la liste 2 de l'accord de libre-échange, sous les numéros 33, 34,40, 48, 61,62, 63, 64, 72, 76, 84 et 85, sont soumis aux droits de douane dans la limite de 90 % des droits communs». Il serait ainsi question d'un rétablissement des droits de douane sur une large gamme de produits importés de Turquie et non de la totalité de ces produits. Un autre son de cloche Le journal électronique «African Manager» affirme, au contraire, et sur la base d'indiscrétions qui auraient été recueillies auprès du ministère du Commerce, que ce dernier se proposerait, tout simplement, d'activer l'article 17 de l'accord de libre-échange tuniso-turc, au cas où le projet de loi de finances 2018 tel qu'il a été adopté en commission serait avalisé par la plénière de l'ARP. Un autre article du projet de loi de finances, tel que modifié en commission, propose une augmentation générale des droits de douane communs qui serait de 10 points. Si cette clause est adoptée par la plénière de l'ARP, les droits de douane communs passeraient de 20 à 30 %. 27% sur les produits turcs A ce niveau, les marchandises turques seraient soumises à 90 % de ces nouveaux droits communs. Elles seraient alors imposables à un droit de douane de 27 %. Ces nouvelles mesures ne seront effectives qu'au cas où elles seraient entérinées par la plénière de l'Assemblée des représentants du peuple. Elles représentent, quoi qu'il en soit, une sérieuse prise de conscience quant aux risques majeurs menaçant nos équilibres commerciaux et notre production nationale. S'agissant de la Turquie, et toujours en cas d'adoption définitive, les mesures spécifiques seront en vigueur durant deux années, soit du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019. Le temps que notre pays retrouve son souffle.