Le cumul des règles d'origine, pour accélérer le processus Par Abou Sarra
La Tunisie est, en principe, à moins d'un an et demi de l'échéance de mise en place de la zone de libre-échange euroméditerranéenne avec comme objectif ultime la réalisations de plus grandes complémentarités économiques entre les pays membres de cette zone. Des pas importants ont été franchis par la Tunisie sur cette voie par le biais, notamment, de la conclusion de plusieurs accords sur la règle d'origine qu'on peut définir en termes plus simples par «nationalité économique» d'un produit. Ces arrangements de cumul des origines ont pour vertu de renforcer la compétitivité des produits tunisiens par rapport à la concurrence, et surtout de les faire bénéficier d'avantages tarifaires préférentiels qui vont de la simple réduction à la suspension totale des droits de douane. L'accord le plus important, en l'occurrence celui sur le cumul paneuro-méditerranéen de l'origine entre la Tunisie et l'Union européenne, est entré en vigueur le 1er août 2006. Ce cumul, dénommé dans le jargon de la diplomatie économique cumul «diagonal» ou «multilatéral», permettra aux producteurs et aux négociants qui font partie de la nouvelle zone paneuro-méditerranéenne de bénéficier plus facilement de droits de douane préférentiels. Le cumul d'origine est un instrument grâce auquel des marchandises peuvent être obtenues et fabriquées dans un certain nombre de pays, sans que le produit fini ne perde le bénéfice du traitement tarifaire préférentiel à l'entrée dans l'UE. Ce système est appliqué avec succès depuis 1997 entre l'UE, les pays de l'Association des Etats de libre-échange (AELE) et les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), et depuis 1999 avec la Turquie. Pour la Tunisie, le cumul de l'origine s'applique, à ce jour, aux échanges qu'elle réalise avec les pays de l'UE, les pays de l'AELE (Suisse/Lichtenstein, Norvège, Islande) et la Turquie. Le cumul s'étendra aux pays de l'accord d'Agadir (Maroc, Tunisie Jordanie, Egypte) une fois que ce dernier entrera en vigueur. A terme, il pourra, en principe, s'ouvrir également à la Bulgarie et à la Roumanie (dont l'adhésion à l'UE interviendra dès le 1er janvier 2007) ainsi qu'aux autres pays du sud de la Méditerranée liés à l'Union européenne par des accords d'Association. A titre indicatif, les fabricants tunisiens de vêtements peuvent acheter des tissus en Turquie et exporter des vêtements vers la communauté en bénéficiant de droits de douane préférentiels. Mieux, ces vêtements peuvent être réexportés de la Communauté vers la Suisse ou tout autre pays participant, qui appliquera un régime tarifaire préférentiel. Par contre la réduction, l'exonération ou la ristourne des droits de douane est interdite, selon la règle «No Draw Back», pour des produits non originaires des deux parties liées par un accord préférentiel. En plus clair encore, les exportations sur l'UE ne peuvent en aucune manière prétendre à une restitution totale des droits de douane au titre d'intrants (indiens, chinois, brésiliens ) contenus dans les produits finis exportés sur l'UE. Par delà ces restrictions, la nouvelle réglementation a pour objectif d'aboutir à la création d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et 16 partenaires commerciaux (l'Algérie, la Bulgarie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, l'Egypte, les Iles Féroé, l'Islande, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Norvège, la Roumanie, la Suisse, la Syrie, la Tunisie et la Turquie. Un autre accord moins important est, néanmoins, attendu avec grand intérêt, celui d'Agadir. Il devrait entrer en vigueur prochainement, probablement d'ici fin 2007, suite à sa ratification en août dernier par les autorités marocaines. Dès son entrée en vigueur, il entraînera la création d'une zone de libreéchange couvrant tous les produits, entre la Tunisie, le Maroc, la Jordanie et l'Egypte. Les stratégies de cumul des règles d'origine s'attendent à ce que le cumul prévu par l'accord d'Agadir stimule le partenariat, l'intégration de la production et la spécialisation régionale. A titre indicatif, l'industrie tunisienne pourrait mettre à profit cet arrangement pour importer à des coûts compétitifs des matières premières, particulièrement du tissu pour le textile et exporter dans de meilleurs conditions de compétitivité des produits manufacturés (composants industriels) vers le Maroc, la Turquie et la Jordanie. Outre ces deux accords multilatéral et régional, il existe des accords de libre-échange bilatéraux forts intéressants pour la Tunisie. Il y a d'abord l'accord de libre-échange conclu avec la Turquie. Cet accord vient d'éteindre sa première bougie. Entré en vigueur en juillet 2006, cet accord offre la franchise douanière pour les produits industriels tunisiens à l'entrée de la Turquie et un démantèlement par étapes devant s'achever en 2014 pour les produits turcs. Vient ensuite l'accord bilatéral conclu avec la Libye, qui représente le 5ème marché extérieur de la Tunisie et le premier hors zone euro. Ce marché présente le désavantage de ne pas appartenir à la zone du cumul de l'origine. L'accord tuniso-libyen prévoit la reconnaissance mutuelle des certificats de conformité. Conséquence : l'accès au marché libyen sera simplifié. Cet accord offre, à l'entrée de la Libye, la franchise douanière aux produits tunisiens, ayant un taux d'intégration locale minimal de 40%. En conséquence et selon d'autres arrangements complémentaires, les produits tunisiens ne seraient plus soumis aux nouvelles taxes à l'importation (notamment celle dite de consommation qui varie de 25 a 50% pour une centaine de produits). Et pour ne rien oublier, par delà ces gains de compétitivité et d'économie d'échelle, le régime du cumul aura pour avantage d'harmoniser les règles d'origine de tous les pays participants dans la mesure où seuls les pays ayant adopté les nouvelles règles d'origine seront habilités à participer à ce système.