Classique de la reine britannique du thriller, Agatha Christie, «Le Crime de l'Orient-Express» avait été porté à l'écran par Sydney Lumet en 1974, adaptation qu'avait pu voir l'écrivaine, décédée en 1976. Une version 43 ans après n'est pas injustifiée. Surtout avec un tel casting : Kenneth Branagh (qui est aussi derrière la caméra) en Hercule Poirot, Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Judi Dench... Enquête au cordeau Comédien, metteur en scène et réalisateur, Kenneth Branagh a toujours adhéré à une forme classique. Comme Clint Eastwood. Ce qui convient tout à fait au «Crime de l'Orient-Express». L'on sait très bien ce que l'on vient chercher en venant voir un Agatha Christie au cinéma : l'enquête d'un fin limier atypique dans une reconstitution historique au cordeau. C'est tout à fait ce que réussit Branagh dans le soin qu'il apporte à l'image, en rassemblant des acteurs tout autant spectaculaires, surtout lors d'une telle réunion de talents. La dramaturgie, elle, est celle du roman : une succession d'interrogatoires dans un lieu clos, avec un mystère dont la résolution constitue peut-être le pire des dilemmes offerts à Hercule Poirot... D'où la réception du roman et de ses adaptations : au cinéma, à la télévision, en bande-dessinée, jusqu'en jeux vidéo. Ce qui en fait sans doute le plus célèbre des romans de son auteure. C'est pourtant un sujet pauvre en action, les dialogues prenant le dessus. Mais Branagh rythme son film et l'image fait le reste. Le charme discret des trains de cinéma Si Branagh s'attaque au «Crime de l'Orient-Express», c'est qu'il veut se frotter à ce classicisme. Son film s'ouvre, un peu comme un James Bond, sur une histoire qui n'a rien à voir avec l'intrigue, pour installer son personnage, Poirot, en démontrant ses capacités déductives, comme bon héritier de Sherlock Holmes. Mais belge, lui. Ce qui lui donne ce côté à part, avec son accent francophone et ses formules françaises, même si Branagh leur donne une tonalité anglaise. C'est dans l'image que Kenneth Branagh emporte l'adhésion. Des magnifiques plans d'une Jérusalem d'opérette, puis d'une Turquie et d'une traversée marine papier glacé, mais pleine de charme. L'on ne sait d'ailleurs pas très bien à quelle époque on est, des années 20 aux années 40, en fait les années 30. Bon point. Mais c'est surtout dans les magnifiques plans de l'Orient-Express dans les montagnes enneigées que l'adhésion est irrésistible. Puis, les intérieurs luxueux et boisés des wagons, habités de costumes chamarrés. Un plaisir des yeux, non sans ambiances : soigné. Le cinéma et le train, c'est une longue histoire qui remonte à la première projection cinématographique de décembre 1895 avec «L'Entrée d'un train en gare de La Ciotat» des frères Lumière. Les films ou les scènes de train recèlent depuis un charme incomparable et constitue un motif récurrent, voire thématique. Le film de Kenneth Branagh arrive à point nommé pour le rappeler dans ses scènes enneigées, avec le plaisir d'une intrigue bien menée, des acteurs bien choisis et une mise en images de première classe. Idéal pour les fêtes.