Par Mohamed ABDELLAOUI Plateaux télévisés, émissions radiophoniques, chroniqueurs, écrits et écrivaillons ont abondamment jaspiné — jusqu'à l'overdose, d'ailleurs —, en abordant la récente visite du président turc Recep Tayyip Erdogan les 26 et 27 décembre écoulé en Tunisie. Pour la plupart de ces commentateurs et «professionnels» de l'information, la Tunisie «nouvelle» où prévalent démocratie et liberté d'expression n'aurait pas dû accueillir un «despote» qui a mis derrières les barreaux des centaines de journalistes et opposants. Soit. Mais, qu'en est-il des relations internationales régies par la logique des intérêts, sinon de la diplomatie et du dialogue ayant garanti le salut tunisien ? Ne faisant point la part des choses, loin s'en faut, ces mêmes commentateurs de l'actualité oublient, volontairement mais à tort, que l'homme n'était que le représentant d'un Etat invité par le représentant du nôtre, Béji Caïd Essebsi. Mais qu'à cela ne tienne, la vérité est ailleurs et relève, à bien des égards, de la nature et de la qualité de l'information qu'on produit aujourd'hui. Une chose est sûre, en effet : l'information présentée au citoyen par une partie de la «haute intelligentsia» tunisienne ne fait qu'induire l'opinion publique en erreur. Cette information où l'affectif et le sensationnel pèsent plus que le concret et le rationnel, aux dépens de l'intérêt supérieur de la patrie et de la nation, conforte, de surcroît, les préjugés et l'étroitesse d'opinion d'un public peu «armé» pour distinguer le bon grain de l'ivraie. A travers leurs libelles et fulgurances fourguées ici et là, bien des desperados de l'écriture et du verbe n'ont cessé de s'égosiller devant les caméras, ces derniers jours, présentant comme vérités et questions de premier ordre des faits alternatifs. Des faits qui intéresseraient peu le Tunisien lambda, préoccupé par son pouvoir d'achat, le système de santé publique, le niveau du système éducatif et la corruption qui gangrène l'Etat. En fin de compte, qu'il soit un dirigeant nostalgique du passé empirique de son pays ou encore un chef d'Etat à la politique expansionniste, Erdogan était l'invité du président de la République tunisienne. Et cela engage, corrélativement, le reste des composantes de l'Etat. Puis, si l'homme avait dérapé quant aux règles protocolaires requises, les représentants officiels de l'Etat tunisien auraient dû imposer le respect qu'il faut vis-à-vis de l'Etat et du peuple tunisiens. Tout le reste ne fait que servir des histoires personnelles et des conflits idéologiques peu porteurs. En pleine reconstruction, la Tunisie nouvelle, celle qu'on aime tant, a, au demeurant, besoin de journalistes et de faiseurs d'opinion qui écrasent l'infâme au lieu de le véhiculer.