Bourguiba Ben Rejeb - La clameur publique montre assez, et de plus en plus, que nous entrons en ce moment dans la phase décisive qui doit amener à concrétiser l'élan donné par la révolution tunisienne. On sent même une impatience qui doit permettre de bousculer les calendriers électoraux de toutes sortes. L'impatience donne parfois lieu à des cafouillages, mais les séismes ont cette particularité de ne pas souffrir la prévision rationnelle. Ceci dit, il va bien falloir mettre un peu d'ordre dans les débats publics, au moins avec l'intention de faire en sorte que le citoyen nouveau, désormais électeur digne, dispose des informations utiles et nécessaires au choix des urnes. Un sevrage sévère imposé par l'ancien pouvoir justifie bien entendu le trop plein actuel de querelles qui peuvent ressembler parfois à des querelles de clocher. Dans le foisonnement des idées, les règlements de comptes ne manquent pas, parfois en dépit du bon sens et mélangeant le bon grain et l'ivraie. On aura remarqué que la gymnastique la plus usuelle en ce moment est celle de la rumeur. Beaucoup de gens lancent les accusations les plus farfelues pour dénigrer le rival du moment, amenant ainsi les polémiques les plus stériles dont s'emparent de temps à autre des plateaux de télévision subitement devenus des salons supposés détenir on ne sait quel droit à la vérité et à l'opinion majoritaire. Une logique biscornue voudrait qu'il suffit d'avoir une place sur un plateau, au moment où le grand public est avide de savoir, pour avoir raison sur tout. C'est surtout vrai quand le scoop provient, magie des temps, du réseau face book. Dire que sur face book telle information circule se transforme en une espèce de voix du peuple. Du coup, et comme n'importe qui peut exprimer son opinion sur ce réseau social, l'entourloupe consiste à présenter cette opinion comme étant partagée. Ce qui pouvait n'être qu'une rumeur se transforme ainsi en information dont usent et abusent tous ceux qui se sentent permis de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ce réseau a fait la preuve de sa capacité à mobiliser pour la bonne cause et les états arabes déchus ou en cours « de dégagement » en savent quelque chose. La circulation de l'information est désormais au cœur de la chose politique. Mais l'information est surtout le rôle de professionnels qui sont comptables de leur gestion du droit du public à la vérité. Cette vérité suppose d'une part le droit du journaliste à l'accès aux sources, et d'autre part le devoir de ce dernier de vérifier ses sources. L'ancien régime tunisien, et les autres, ont aussi perdu pied en perdant cette bataille là. A force de raconter des bobards, ils ont dilapidé leur capital crédibilité, entrainant dans leur chute et dans la foulée les organes d'information dévolus à leur cause. Inutile de rappeler les véritables campagnes de désinformation, à partir de rumeurs infondées organisées par l'ancien régime. Beaucoup d'opposants avaient payé de leur chair, sinon de leur vie, les contre vérités dont on les affublait. Nous sommes tous à dénoncer aujourd'hui ces pratiques immorales, et finalement contre productives. Les manipulations de toutes sortes finissent souvent par se retournes contre leurs auteurs. Mais il arrive aussi qu'elles commencent d'abord par occasionner des dégâts considérables.