Par Kamel Ghattas Nous sommes déjà en 2018, et si d'autres activités que le sport ont déjà élu leurs «émirs» et leurs «roitelets», le sport s'est contenté de désigner ses «meilleurs sportifs», en copies multiformes. Mais pour un pays comme le nôtre, il serait peut-être plus judicieux d'élire la fédération, le gouvernorat, le club, qui a le plus œuvré pour la promotion et la consolidation du sport dont il est responsable. Et nous aurons des surprises, car il ne sera plus question de gestes techniques hors du commun et de prouesses individuelles qui donnent l'occasion à tout un sérail de se pavaner dans les tribunes et de consolider son emprise sur une discipline qui traîne un nombre indéterminé de casseroles. Des résultats ? Bien sûr qu'il y en a eu et que nous en aurons toujours. La qualité du «tissu» tunisien a été reconnue comme l'un des meilleurs de ce milieu sportif où la compétition est si rude. La preuve c'est que les Tunisiens se sont imposés dans des disciplines réputées «nobles» et particulièrement difficiles. En natation, en escrime, en boxe, en lutte, en judo, en handball, en paralympique, et dans bien d'autres domaines, nous avons enregistré des résultats flatteurs. Ce n'est donc pas aujourd'hui qu'on mettra cette appréciation émanant d'éminents techniciens en doute. Le sport tunisien, en dépit d'un manque de moyens évidents et de l'absence d'une volonté politique incompréhensible, au niveau du sport de masse et de la mise en place d'une véritable politique nationale pour faire de la Tunisie une nation sportive, continue bon an mal an à fournir des champions qui, le moins qu'on puisse dire, ont pu réussir des performances hors du commun. Il suffit de se souvenir de la médaille olympique de Rio conquise de haute lutte et de cette merveilleuse lutteuse alors qu'elle a effectué sa préparation sans bénéficier de la moindre bourse ou de stages à l'étranger. C'est dire que les bilans que l'on veut bien nous présenter ne concernent nullement ces champions méritants, qui ont fait preuve d'un profond attachement aux couleurs nationales et qui ont combattu tout en ressentant dans leur chair la fatigue que seuls les champions savent atténuer à force de volonté et de sacrifices, les morsures d'un coup violent susceptible d'arracher les viscères, ou d'une chute à briser une colonne vertébrale. Ces champions qui, bien que mal servis par le sort, sur une chaise roulante ou avec un corps handicapé, ont réussi à faire grimper au mât d'honneur les couleurs nationales. Le bilan que nous souhaiterions avoir, concerne le nombre de «pratiquants effectifs», filles et garçons, qui ont été enrôlés sous la bannière d'un club, pas seulement de la capitale ou d'un chef-lieu, mais aussi et surtout de ces villages reculés, oubliés de Dieu et du monde, pour conforter la base d'une discipline sportive. Une fois le nombre devenu conforme et reflétant la sportivité de toute une population, il finira par nous offrir une pyramide assez large et assez fournie, où il suffira de choisir les champions de demain. Pour avoir bonne conscience, on nous tendra le «nombre de licenciés», peut-être en hausse, mais comme d'habitude, pour faire valoir que les sports sont en progrès et que tout va bien comme dans le meilleur des mondes. La Tunisie continue à être un pays où on pratique le sport mais qui, malheureusement, est encore loin de devenir «un pays de sportifs». C'est cet objectif qui devrait prévaloir dans une véritable politique sportive qui se veut nationale et non pas une simple gestion de la pratique du sport. Les succès, médailles et autres satisfactions que nous glanons et pour lesquels on réserve un accueil délirant ne sont que symboliques. Les moyens, nous ne cesserons de le répéter, ne devraient être mis qu'à la disposition de ces scolaires, de ces clubs amateurs, de ces jeunes et de ces moins jeunes, de cette population qui ne sait que faire de son temps libre, et qui se trouve happée par les terrasses de café et par bien d'autres tentations. Les titres de certains journaux, devenus des slogans hélas quotidiens, où on s'ingénie à choisir les prouesses abjectes de ceux qui les commettent, est devenu un sport national. Pendant ce temps, on fête une médaille, une salle qu'on inaugure en grande pompe, tout en oubliant que ce genre d'édifices qui coûtent les yeux de la tête sont dépassés avant même d'avoir commencé à fonctionner, on sert parcimonieusement des enveloppes pour récompenser des performances, au gré du bon vouloir, sans souci pour cette population complètement désorientée et que les bouleversements que connaît un pays en pleine transition ne sauraient complètement contrôler. Curieux quand même que nous ayons l'impression, sauf erreur ou omission, qu'il n'y a jamais eu, en 2017, de réunion interministérielle pour discuter des moyens de faire de la Tunisie un pays sportif. Ce sera peut-être fait en 2018. Bonne année !