En ce quarantième jour de commémoration de son départ, tous ceux qui l'ont aimé, connu, admiré ont tenu à découvrir les lieux, et à visiter l'exposition que lui a offerte en hommage Christoph Von Weyhe, son compagnon de route, peintre de talent, qui accompagne le parcours d'Alaïa depuis plus de quarante ans. Un cube de lumière et de blancheur, haut perché sur l'extrême pointe de la colline de Sidi Bou Saïd. Une maison qui cascade au rythme d'un jardin, arrêtée par un plan d'eau, ouverte à plein ciel par la transparence de baies immenses. Des espaces harmonieusement imbriqués, fluides, généreux. Nous sommes dans la demeure de Azzedine Alaïa, celle qu'il a rêvée, conçue, réalisée, et dont il achevait à peine l'ameublement, aimant à y venir de préférence en été, et particulièrement durant le mois de Ramadhan. Aujourd'hui, Azzedine Alaïa est parti, trop vite, trop tôt, et la maison abrite une association à son nom. En ce quarantième jour de commémoration de son départ, tous ceux qui l'ont aimé, connu, admiré ont tenu à découvrir les lieux, et à visiter l'exposition que lui a offerte en hommage Christoph Von Weyhe, son compagnon de route, peintre de talent, qui accompagne le parcours d'Alaïa depuis plus de quarante ans. Les amis de Azzedine Alaïa, les familiers de son atelier, ceux qui ont eu la chance et le plaisir de partager ses déjeuners dans la cuisine mythique où officie l'imperturbable Somaré, étonnants moments de convivialité au cours desquels stars et petites mains, journalistes et clientes milliardaires partageaient le pain et le sel, connaissent bien ce grand blond aristocratique, élégant, aussi discret que Azzedine était exubérant, Christoph Von Weyhe. Venu d'Allemagne pour intégrer, à Paris, l'école des Beaux-Arts, il rencontre Azzedine chez la comtesse de Blégiers. Peintre, il est l'artiste d'un seul sujet : le port de Hambourg où il a grandi, et où il retourne tous les ans puiser son inspiration. Il y capture l'instant, puis lentement, longuement, dans son atelier parisien, il revient sur la sensation, l'impression première. «La pratique de la peinture chez Christoph Von Weyhe s'organise autour de l'idée que tout geste de peintre est un geste d'ouverture...Quel que soit le contenu, territoire abstrait ou paysage, le regard est porté sur une scène où la toile devient «ouverture sur une ouverture», écrit le critique d'art Olivier Kaeppelin. Et plus loin : «Plus que d'apporter une réponse, dessiner est, avant tout, éprouver ce mouvement, ce désir de connaissance qui naissent dès que prend fin la simple jouissance de la vue». Peut-être c'est ce qui explique et justifie ce curieux sentiment que l'on ressent devant ces toiles superbes, sentiment de flotter entre deux mondes, de voir s'ouvrir des voies inconnues, mais qui vous renvoie à des choses connues. Ce sentiment qu'il y a quelque chose que l'on ne voit pas et que l'on devrait pourtant discerner. Et que probablement Azzedine Alaïa, présent dans une œuvre, devant une fenêtre, dans un train qui fuit, a su, lui, discerner.