A entendre les artistes plasticiens, le secteur des arts est sinistré. Des problèmes à la pelle accumulés depuis des années : absence de statut, faible implication de l'Etat, chômage... Le récapitulatif d'une table ronde qui survole cette activité culturelle menacée La Fédération tunisienne des arts plastiques (Ftap) a organisé, vendredi dernier, dans un hôtel à Tunis, une table ronde sur le thème : «Les arts plastiques et la politique culturelle». Six intervenants ont pris part à cette rencontre qui s'est déroulée dans d'excellentes conditions. Plasticiens et médiateurs ont pu débattre de la relation entre les arts plastiques et la politique du ministère de la Culture relative à ce secteur. Présidée par le poète et journaliste Chamseddine Ouni, la séance qui a commencée à 14h30 s'est poursuivie jusqu'à 18h00. Elle a mis en exergue tous les problèmes complexes liés à cette activité culturelle. Sami Ben Ameur, plasticien et responsable des arts plastiques au sein de la Cité de la culture, est intervenu, au nom du ministre de la Culture, sur la nécessité d'œuvrer pour que le patrimoine pictural, resté prisonnier dans les entrepôts de Ksar-Saïd puisse rejoindre le nouvel espace qui lui est réservé à la Cité de la culture. Un musée d'art contemporain réunira une sélection d'œuvres qui retrace l'histoire de l'art moderne en Tunisie. Ce musée sera inauguré au mois de juin 2018. En outre, il a rappelé qu'il n'existe pas une seule politique mais des politiques culturelles, puisque chaque secteur — commission d'acquisition des œuvres, les écoles d'art plastique, le statut de l'artiste — dispose d'une politique. Khélil Gouiâ, peintre et universitaire, a soulevé l'accumulation des problèmes dans le secteur des arts plastiques et ce depuis l'indépendance de la Tunisie. Un secteur qui fait travailler actuellement 2.000 personnes qui ne sont pas toutes des artistes. Un grand nombre d'entre eux font de l'art décoratif dans les hôtels et les entreprises. Les œuvres artistiques n'ont pas la faveur des particuliers et la législation réglementant la commission d'achat du ministère de la Culture n'est plus adaptée à l'époque actuelle. Fateh Ben Ameur, artiste plasticien, a évoqué particulièrement la place qu'occupent les arts plastiques dans la politique culturelle et les programmes des partis, indiquant notamment qu'aucun parti n'a parrainé un artiste et que s'ils le font, c'est pour embellir leur image. D'un autre côté, Wissem Gharsalli, secrétaire général de l'Union des artistes plasticiens, a parlé surtout du statut de l'artiste dont la copie soumise à l'ARP comporte des passages pouvant représenter un danger pour les artistes et notamment les artistes plasticiens et a exhorté ces derniers à une révision de ce statut avant qu'il ne soit trop tard et qu'il passe aux votes des députés. Habib Bida, artiste peintre et enseignant en art plastique, a abordé la question par les chiffres en révélant qu'il existe 200 mille diplômés de 14 instituts de beaux-arts en Tunisie. 2.300 artistes figurent dans le catalogue de l'entrepôt de Ksar-Saïd où leurs œuvres sont à l'abandon. Par ailleurs, le coût d'une exposition personnelle atteint les 20 mille dinars. Le peintre ne récupère de cette somme que 12 mille dinars. «Les vrais artistes ont quitté le secteur, car il faut être riche pour pratiquer cet art», a-t-il martelé. Brahim Azzabi, artiste peintre, a relevé les mêmes handicaps qui paralysent le secteur des arts plastiques, soulignant d'autre part que « sans statut l'artiste ne vit pas pleinement sa vocation ». Pour terminer, Mohamed El May, journaliste, a parlé de son expérience personnelle au sein de la commission d'achat du ministère de la Culture dont le texte de loi la régissant est caduc et a appelé à sa révision dans les délais les plus proches.