C'est à un voyage au cœur de sa mémoire, mais aussi de la nôtre que nous convie Chafika Zaouche. Il y a aujourd'hui près de quarante ans, dans une ancienne huilerie du côté de Sidi Bou Ali, la mère de Chafika Zaouche, l'inoubliable Ella Habiba Zaouche avait créé un centre d'animation touristique. Initiative totalement révolutionnaire pour son époque et pour son milieu. Cette grande dame de la bonne société tunisoise avait jeté aux orties sa vie de mondaine pour s'installer en pleine campagne, ce qui, à l'époque, n'était pas encore dans le mood écologique, et avait monté un centre unique en son genre. On y venait de loin admirer fantasias et prestations équestres, écouter chants et danses des régions et goûter à une cuisine du terroir. Derrière son objectif, l'œil aux aguets et la curiosité en éveil, Chafika Zaouche fixait ces instants aujourd'hui révolus. Discrète et invisible, elle captait mouvements et expressions, immortalisait ces visages, figeait une attitude. Prolongeant sa promenade sur les sentiers de campagne, elle glanait des images sur les bords des chemins : la meunière qui fait tourner sa meule, le charretier qui entasse son chargement, le pêcheur qui lance sa nasse, l'humble paysanne qui fait cuire son pain, autant de personnages d'un quotidien toujours vivant, autant d'histoires qui constituent la nôtre. Puis son objectif quitte les sentiers champêtres et nous entraîne dans les ruelles d'une médina. Séduits, nous poursuivons la promenade, à l'ombre des sabbats, au détour des arcades, sur les traces d'un sefsari fantomatique qui éveille en nous de belles nostalgies. Chafika Zaouche a ouvert la saison des expositions photos de l'Institut Français de Tunisie. Elle est la première à s'y installer cette année, et vous invite à la suivre dans cette promenade intemporelle.