Par Abdelhamid Gmati Toute économie a besoin d'investissements. En Tunisie, on n'échappe pas à cette réalité et les autorités ont multiplié les initiatives pour encourager et attirer les investisseurs, même sous l'ancien régime. Et depuis 7 ans, les gouvernements qui se sont succédé ont fourni beaucoup d'efforts en direction des investisseurs. Et on a organisé des forums et des conférences. Et il y a eu des promesses d'investissements. Et cela continue. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, estimait, le 29 janvier dernier, que « l'année 2018 doit être l'année de l'investissement et des grands projets afin de réaliser une croissance durable et inclusive ». Et, dans le cadre du plan national de l'emploi, un budget de 525 millions de dinars sera alloué aux projets créateurs d'emplois en 2018. Ce plan national inclut le statut juridique de l'auto-entrepreneur, la création d'emplois et une nouvelle génération de promoteurs avec la valorisation des formations professionnelles. Ce qui est le plus visé, c'est l'investissement étranger. Selon le président de l'Utica, Samir Majoul, «quand nous parlons d'investissement, c'est d'abord de l'investissement étranger, et les investisseurs étrangers se fient, en premier lieu, aux avis de leurs pairs déjà installés en Tunisie (leurs problèmes, sont-ils contents de leur installation dans le pays ?), ensuite, ils comparent les différents sites de production». Il estime que « les investisseurs étrangers analysent et scrutent les indicateurs et posent la question de savoir si la paix sociale est garantie dans le pays, si le patronat et le syndicat ouvrier sont proches... A mon avis, il faut peut-être dire qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour décourager l'investissement?». Ce qui est souhaité, c'est que la Tunisie soit la priorité des investisseurs étrangers. Il faut dire que l'investissement, notamment étranger, ne manque pas. Le flux des investissements étrangers a progressé de 11% à fin novembre 2017, pour dépasser les 2 milliards de dinars. Ces investissements sont répartis à raison de 1,912 milliard de dinars en investissements directs étrangers (IDE) et 111,4 MDT en portefeuille. Selon les statistiques de l'Agence de promotion des investissements extérieurs (Fipa), l'industrie accapare un peu moins de la moitié des IDE engrangés par la Tunisie depuis le début de l'année, pour un montant de 905 MDT. En fait, le secteur industriel tunisien attire, de plus en plus, d'investisseurs étrangers, notamment au cours de ces quatre dernières années, avec des investissements mobilisés passant de 419 MDT en 2014 à 503 MDT en 2015, puis à 779 MDT en 2016, pour atteindre 905 MDT l'année courante. Lors de sa récente visite, le président français a annoncé une aide à la Tunisie de 280 M€ et une promesse de doubler les investissements français en 5 ans. « Nous pouvons mettre en place dès cette année un plan d'urgence de 50 millions d'euros, pour accélérer les projets entrepreneuriaux, afin de permettre aux jeunes d'avoir un accès au marché et de bénéficier d'un accompagnement financier pour répondre à une maladie profonde qui est le chômage des jeunes et surtout celui des diplômés ». A ce propos, l'ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d'Arvor, a affirmé, lundi dernier, que la France tiendra ses engagements envers la Tunisie. « La France a débloqué un fonds de 192 millions d'euros en prêts, dons et subventions alloués à la réforme des institutions publiques au soutien des PME et à la rénovation de l'habitat urbain. Le volume d'intervention total est d'1 milliard et 250 millions d'euros jusqu'en 2020, chaque visite d'un responsable français est suivie de la signature d'accords de décaissements pour des objectifs et projets précis. La France s'engagera en 2020-2022 pour 500 millions d'euros supplémentaires, chiffre qui pourrait être revu à la hausse ». Et il y a d'autres investissements étrangers. Le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Zied Laâdhari, a déclaré que les investissements accordés par la Banque africaine de développement (BAD) à la Tunisie, en 2017, se sont élevés à 1,200 milliard de dinars. Ces investissements de l'institution financière ont englobé plusieurs secteurs prioritaires. Les Chinois sont intéressés par plusieurs projets dans le gouvernorat de Médenine. Le porte-parole du Groupe de la Banque islamique de développement (BID), Abdul Hakim Elwaer, a souligné, mardi 30 janvier, à Kasserine, l'intérêt qu'accorde sa banque au projet de transfert de l'usine de cellulose et de papier, mettant l'accent sur l'importance symbolique de cette usine et son rôle économique et social dans toute la région. Le Royaume d'Arabie Saoudite a fait don à la Tunisie d'une enveloppe de plus de 5,3 millions de dollars. Ce don contribuera à la restauration et à l'entretien des mosquées de la Zitouna et du Roi Abdelaziz à El-Manar (Tunis). L'Etat tunisien a aussi retenu plusieurs projets. A titre d'exemple, le nombre de projets publics fixés par le programme de développement dans le gouvernorat de Zaghouan (2011-2017) s'est élevé à 913, pour un coût d'investissement estimé à 674 MDT. 660 projets d'un montant de 338 MDT ont été parachevés, 122 autres projets d'un coût de 254 MDT sont en cours de réalisation et 126 projets (78 MDT) sont en phase d'appel d'offres ou de prélancement. Et 5 projets dans le domaine de la jeunesse et du sport (4 MDT) demeurent bloqués pour des entraves procédurales et foncières. Mais il se trouve que des dizaines de ces projets sont bloqués dans plusieurs régions. On citera, à titre d'exemple, les vingt-cinq projets de développement annoncés lors du Conseil ministériel restreint réuni le 25 juin 2015 à Gabès et qui sont toujours bloqués. Il ne suffit pas d'investir et d'attirer les investissements. Il faut surtout tenir les promesses et surtout réaliser les projets. Citons le président français : «Aucune convention ne fait une relation économique. Ce sont les femmes et les hommes qui les font. Nous, on donne le cap».