Les médecins résidents, épaulés par les internes, ont manifesté par centaines, hier 8 février, au voisinage immédiat du siège du gouvernement à La Kasbah pour qu'on tienne compte de leurs revendications, réclamant de la considération. Sont-ils là seulement pour qu'on augmente leurs émoluments qu'ils estiment dérisoires ? C'est ce que nous avons demandé au Dr Aymen Bettaieb, vice-président de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (Otjm) et résident en médecine nucléaire, l'un des meneurs de la manifestation à brassard vert sur la place de La Kasbah. «Pas du tout. Nous sommes là pour signifier à la tutelle qui a mené une réforme hâtive qu'elle aurait dû impliquer les organisations d'étudiants en médecine ainsi que les structures syndicales de la profession, à commencer par le Conseil de l'Ordre», répond-il en énumérant les griefs : En passant de deux à une seule promotion pour les urgences, les hôpitaux ont été amputés de moitié de leur effectif ; ce qui a entraîné le recours aux vacataires. Ce fait se répercute directement sur la charge de travail qui est ainsi multipliée par deux, donc dégradant le service rendu aux patients. En conséquence, l'interne, qui est supposé être en formation, ne parvient plus à apprendre avec cette surcharge. Fini le doctorat en médecine ? «Fin novembre 2017, la tutelle a tenté de passer un autre projet de réforme, alors que nous demandons depuis 2014 qu'une commission multipartite travaille sur la réforme. Nous avons alors donné un préavis de grève et, en décembre, on a fini par nous communiquer le projet que nous avons nous-mêmes fait passer au Conseil de l'Ordre des médecins qui, à son tour, l'a communiqué à l'ARP. Et c'est le comité de la santé au sein de l'ARP qui a demandé au gouvernement de nous entendre. On nous a donc invités à une réunion en décembre, mais on ne nous a écoutés que sur quelques changements mineurs. Nous avons alors annoncé de nouveau que nous allions entrer encore une fois en grève», relate Dr Bettaieb. Un dialogue de sourds que les jeunes médecins regrettent car il empêche tout le monde de voir le fond du problème. Ce fond du problème est classé en plusieurs facteurs selon notre interlocuteur. Pour finir, Dr Bettaieb lance un appel : «Nous appelons les différents ministères, les conseils scientifiques de facultés, l'Ordre des médecins à soutenir les étudiants qui sont les futurs médecins car se sentir ainsi abandonnés est en train de pousser beaucoup d'entrenous à regarder ailleurs, là où il y a beaucoup de "déserts médicaux" prêts à recruter ces étudiants que le pays a mis tant de moyens et de temps à former. C'est cette fuite de cerveaux qui nous désole le plus car nous souhaitons rester dans notre pays, y évoluer et dire notre mot sur les réformes et les intérêts des patients». Les doléances des médecins résidents Elles sont nombreuses - La tutelle a décidé de mettre fin au doctorat, préférant le fusionner avec le diplôme de spécialité - En conséquence de cette attitude qui dégrade la reconnaissance à l'international, les élèves médecins sont privés de stages à l'étranger - Des problèmes d'application rétroactive dans le projet - La non reconnaissance aux médecins de droits dont bénéficient tous les Tunisiens à propos du service militaire quand ils ont des conditions spéciales - Le salaire public qui ne dépasse pas les 700 dinars et qu'un accord signé en 2016 (et non respecté) porte à 1.200 dinars - Les médecins d'origine étrangère qui ne reçoivent que 318 dinars de salaire (essentiellement des Palestiniens et des Marocains mais aussi des Algériens et des Mauritaniens)...