Les droits de l'homme sont inscrits dans les programmes officiels de l'enseignement tunisien depuis plusieurs années. Particulièrement dans la loi n°2002-30 du 23 juillet 2002. Dans l'un de ses articles (article 3), elle stipule : «L'éducation a aussi pour but d'enraciner l'ensemble des valeurs partagées par les Tunisiens et qui sont fondées sur la primauté du savoir, du travail, de la solidarité, de la tolérance et de la modération. Elle est garante de l'instauration d'une société profondément attachée à son identité culturelle, ouverte sur la modernité et s'inspirant des idéaux humanistes et des principes universels de liberté, de démocratie, de justice sociale et des droits de l'homme». Nos écoliers, tout comme nos collégiens et lycéens, ont pu suivre de nombreuses heures de cours sur la Déclaration universelle des droits de l'homme ou le Code de protection de l'enfant de 1995 ou, encore, l'histoire de l'abolition de l'esclavage en Tunisie dès le XIXe siècle. Des droits sans devoirs ! En dépit de tout, cela n'a pas donné les résultats escomptés. Les générations de jeunes issues de nos institutions scolaires ne semblent pas avoir assimilé les objectifs nobles fixés par les autorités à travers cette politique éducative. On peut, même, dire que nous sommes dans l'excès inverse. Au lieu d'avoir des jeunes imbus des valeurs universelles et de respect des libertés, nous observons une jeunesse qui ne se soucie guère des droits ou des règles. C'est une jeunesse qui est convaincue d'avoir tous les droits sans qu'elle attache la moindre importance aux droits des autres. Ce qui donne l'impression que notre système d'enseignement a donné des citoyens pour qui les obligations n'ont aucun sens et ne sont rien face aux droits personnels absolus. Certes, la faute n'incombe pas à ces jeunes. Tout est la conséquence de l'option prise pour enseigner ces disciplines dans les établissements scolaires. Aujourd'hui, une refonte des programmes est nécessaire, dans le cadre de la réforme, pour impulser une nouvelle orientation aux méthodes et à la pédagogie en vigueur jusqu'ici. Les enseignants concernés doivent suivre des formations appropriées les habilitant à s'acquitter de cette tâche très délicate. On apprend à nos écoliers et écolières plein de notions sur les droits de l'enfant. Mais, en contrepartie, rien n'est dit sur ses devoirs. On fait comme si l'enfant n'a que des droits. Et absolument pas de devoirs. C'est, du moins, ce qui demeure dans leur esprit et se retrouve, par la suite, dans leur comportement. Ajoutons, à cela, l'impact fortement négatif des médias et des réseaux sociaux. Ceux-ci sont devenus des plateformes redoutables où évoluent des individus qui profitent indûment des libertés que leur procurent ces instruments pour diffuser de fausses informations (fake news) et colportent les rumeurs les plus inouïes. A tel point qu'elles deviennent des références et sont reprises et amplifiées par tous les médias de la place. De leur côté, les télévisions tunisiennes (tant publiques que privées) invitent à longueur d'antenne des politiciens, des experts ou des spécialistes qui se livrent à des analyses peu pertinentes et qui induisent, fatalement, en erreur nos jeunes en leur exposant des points de vue extrêmes et totalement opposés à ce qu'on leur a inculqué. Le mauvais exemple des adultes De plus, les débats houleux qui passent sur la Watania 2 (à titre d'exemple, parce qu'elle n'est pas la seule, malheureusement) à vocation jeune offrent un spectacle qui n'est pas à mettre à l'actif de ceux qui sont censés représenter le peuple. L'image reçue par les petits auditeurs est déroutante. Ils sont désorientés et se demandent si c'est cela la démocratie et la liberté d'expression. Comme ils n'assistent qu'à des logomachies et à des scènes toujours violentes ainsi qu'à des débatteurs agressifs, ils se forment des modèles et imaginent un monde qui ne peut refléter que l'intolérance, l'agressivité et la violence. C'est, d'ailleurs, ce à quoi on assiste dans la réalité. Dans les stades, les établissements scolaires, les manifestations (qui commencent pacifiquement) se terminent dans l'anarchie la plus totale. Entre la théorie et la pratique il n'existe aucune adéquation. C'est pourquoi l'écrasante majorité de nos jeunes reçoivent un message totalement erroné par l'enseignement des droits de l'homme dans les établissements scolaires. L'image donnée par les adultes ne reflète en rien ce qui est demandé à l'enfant. On veut lui apprendre des principes fondamentaux, d'un côté, tandis que, de l'autre, on lui présente un tableau tout à fait différent. Tant qu'on n'insistera pas sur la concordance nécessaire entre les droits et les devoirs et leur étroite corrélation, le travail didactique entrepris par le système éducatif aura l'effet inverse. Au lieu de doter notre jeunesse d'un background en matière de droits et de libertés capable de façonner des générations sur qui on peut compter, on ne fait que la pousser aux abus et aux excès de toutes sortes. Ce n'est pas un hasard, aujourd'hui, de constater ces dépassements et ces violences dans la société. C'est, tout simplement, un retour de manivelle d'une éducation mal dispensée et aux orientations mal définies.