«Objectif: un classement honorable, et aller le plus loin possible en coupe» «Nous avons longtemps joué sans attaquant de pointe» «Mettre en place un projet de formation des talents de la région» «Les joueurs partis en A.S. ont fui l'enfer du football tunisien» «Le sélectionneur ne s'est jamais réuni avec les entraîneurs des clubs» Les seizièmes de finale de la Coupe ont été marqués par l'exploit réussi par l'Etoile Sportive de Métlaoui contre le recordman de l'épreuve, l'Espérance Sportive de Tunis. Cette prouesse porte l'empreinte de l'entraîneur Ghazi Gherairi, appelé à relever le défi d'un maintien tranquille à la tête d'un ensemble «qui ne ressemble plus à celui des deux dernières saisons», à en croire l'enfant du Club Sportif Sfaxien. Lequel a roulé sa bosse un peu partout: CSS, ASK, EGSG, ST, ESZ et CAB en Tunisie, Al Fayha en Arabie Saoudite, Ajman, Emirates Club, Al Foujaira et Al Chaâb aux Emirats. Sans parler de son expérience en 2014 comme adjoint du Belge George Leekens à la tête de l'équipe de Tunisie. Ghazi Gherairi, tout d'abord, avec du recul, qu'est-ce qui a fait la différence devant l'EST en coupe de Tunisie ? Deux éléments essentiels. D'abord, sur le plan mental, nous avons mis nos joueurs dans les meilleures conditions possibles. Ensuite, point de vue tactique, nous avons énormément travaillé pour neutraliser les points forts adverses. Il ne faut pas oublier que le ratage du penalty par Saâd Beguir nous a donné des ailes. Cela a représenté le tournant du match. Malgré cet exploit, le public métlaouien continue à établir des comparaisons avec l'ESM conduite durant deux saisons et demie par Mohamed Kouki. Cela vous gêne-t-il ? Non, pas du tout. Tout simplement parce qu'une telle comparaison ne tient pas. Ce ne sont pas les mêmes conditions. Lorsque j'aurais fait deux ans et demi à Metlaoui, ou même au bout d'une première saison, vous pourriez établir la comparaison. Pas avant. Et puis, l'équipe a dû être renouvelée à 60% au moins. Je travaille avec les moyens du bord, avec un effectif réduit. Mon prédécesseur, Mohamed Kouki, a lui-même reconnu l'autre jour à la télévision que le club a beaucoup changé. Objectivement, la qualité des joueurs partis depuis la saison dernière est supérieure. De plus, on le sait, l'argent est le nerf de la guerre. Les grèves à répétition de la JSK, ASG, ESZ... nous les avons également connues. Nos recettes proviennent essentiellement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa. Or, regardez ce qui se passe dans cette entreprise, et dans quel état catastrophique elle se trouve aujourd'hui. Conséquence, l'ESM est-elle condamnée à revoir ses ambitions à la baisse ? Les deux dernières saisons, elle a énormément dépensé, réalisant un grand nombre de recrutements. Résultat: une troisième, puis une quatrième places inattendues. Mais l'ESM ne peut pas logiquement se maintenir à ce niveau en comptant sur un budget d'un milliard et demi qui proviennent presque exclusivement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa. Car le club a rogné sur le budget de cette saison en obtenant lors de l'exercice précédent une avance d'un demi-milliard sur la subvention annuelle. Ce manque à gagner, nous le traînons actuellement, et fait que les joueurs ne soient pas payés. Le club a ainsi dû dégraisser son effectif en se séparant de quatre joueurs, et en ne recrutant que deux joueurs cet hiver. Au mercato d'été, il n'a pris que cinq joueurs. La stabilité vient par l'argent. Les joueurs accusent un retard de trois salaires et trois primes. Les tranches de la prime de signature, certains en sont encore à solder celles remontant à la saison dernière. Et puis, le joueur se dit que le championnat va se terminer dans deux ou trois mois, et il s'inquiète pour son argent. La Coupe peut-elle raisonnablement constituer un objectif pour vous ? Il faut y croire et tenter d'aller le plus loin possible. La chance joue un rôle important dans cette compétition. Mais attention à la marche. Comme nous avons créé la surprise en boutant «out» l'EST que nous n'avions jamais battu auparavant, eh bien, notre prochain adversaire, Rejiche, peut à son tour réussir l'exploit. En tout cas, la coupe peut nous servir de révélateur et nous aider à grandir. L'objectif du maintien est-il en voie d'être rejoint ? Non, notre objectif dépasse cela. Nous voulons obtenir un classement honorable, compte tenu de la phase transitoire que traverse le club. Soit. Il n'en reste pas moins que l'ESM accuse plusieurs défaillances. Où les situez-vous exactement ? Au début, nous avons pâti de nombreuses erreurs défensives individuelles. L'ESM inscrivait des buts, mais en encaissait en même temps. Avec l'arrivée de Hachem Abbès et l'avènement de Lakhal que j'ai lancé parmi les seniors, nous essayons de serrer les boulons défensifs. Il y a également le compartiment offensif. Nous avons joué longtemps sans attaquant de pointe. Imed Meniaoui n'est-il pas aujourd'hui cet avant-centre recherché? Non, l'ancien Clubiste aime plutôt venir de derrière, et ne possède pas les caractéristiques d'un véritable avant-centre. Et puis, cet excellent joueur a aujourd'hui 35 ans. Il était revenu à Metlaoui pour encadrer les jeunes, et donner un précieux coup de pouce. On ne peut pas compter sur lui dans tous les matches, sur la durée de toute la saison. D'ailleurs, regardez son temps de jeu quand il était au CA.... A votre avis, quelles sont les révélations métlaouiennes de la saison en cours ? C'est plutôt le collectif qui prime. Le groupe a réussi du bon et du moins bon. Franchement, je ne crois pas qu'il y a eu un joueur qui ait fait l'exception, ou qui ait fait la différence. Les bons joueurs partis ont vécu un cycle ici. Or, il est difficile de se permettre d'acheter d'autres aussi bons alors que les moyens manquent terriblement. A Metlaoui, il y a actuellement une équipe en fin de cycle. Cela fait cinq ou six ans que cette ossature se trouve dans le club. Y compris au niveau de l'âge, ils ne sont plus jeunes. Nous comptons cinq ou six joueurs de plus de trente ans. Le reste a 26 ou 27 ans. Il nous faut du sang neuf, prendre deux ou trois jeunes joueurs, et trois autres de 26-27 ans afin de remplacer les vieux.Et entamer un nouveau cycle. L'association ne doit pas aussi dépenser davantage que les moyens qui lui sont impartis. Dont Aymen Ayari, un titulaire indiscutable du temps de Mohamed Kouki et qui ne joue presque plus cette saison... Ayari a 35 ans. Il revient d'une longue blessure. Lui-même est conscient que ce sera bientôt la fin. Il traine une nouvelle blessure. Il est déjà heureux qu'il soit encore là à un âge aussi avancé. Ce nouveau cycle ne doit-il pas s'appuyer sur une relève provenant du club lui-même ? J'ai discuté de tout cela avec le président Boujelel Boujelel qui est là depuis 35 ans, et connaît à fond l'ESM. Il manque le centre de formation du club, le restaurant et le dortoir à l'intention de ces jeunes. Le club doit savoir drainer les jeunes de la région et mettre sur pied un projet sportif sur cinq ou six ans. Il y a plein de surdoués ici. Le Sud-Ouest reste un vivier intarissable. J'ai découvert le jeune talent Lakhal. Yassine Meriah est arrivé à Metlaoui en provenance de l'Ariana. Metlaoui peut dénicher des talents et les former. L'argent qu'elle en gagnera servira par la suite à financer la formation. Car l'objectif raisonnable de l'ESM est de chercher une place au milieu du tableau, et de viser avec un peu de réussite une coupe africaine ou arabe. Pour y parvenir, il faut une stabilité administrative et technique. Malheureusement, cela n'est pas garanti dans nos clubs. Dès le mois de juin, une cinquantaine de joueurs affluent sur le marché des transferts libres. Des «samsaras» se livrent alors à un commerce parfois sans règles du jeu. Qu'est-ce qui a changé à l'ESM par rapport à la saison précédente, par exemple ? Je n'ai pas hérité du même effectif. Sept joueurs, et non des moindres étaient partis: Achraf Zouaghi, Khaled Gharselllaoui, Mohamed Ali Ben Hamouda, Bassirou Bamba, Thierry Ernest, Yassine Salhi...C'est trop pour une seule équipe. Nous avons dû recruter cinq joueurs selon les moyens disponibles. La phase aller, nous l'avons disputée sans joueurs étrangers.De plus, le calendrier ne nous a pas aidés. Les joueurs n'étaient pas payés. Notre parcours a été moyen compte tenu de tous ces handicaps. Qu'avez-vous fait pour y remédier dans cette phase retour ? Nous avons recruté cet hiver Diarra et Abbès. Et promu deux jeunes enfants du club: Mohamed Amine Lakhal, un bon axial et l'attaquant Yassine Mejdi. En plus de Ben Mabrouk. Je crois que le club va se tirer d'affaire malgré les vicissitudes. Toutefois, un gros souci se pose: celui de l'infrastructure... Celle-ci va s'améliorer. Une nouvelle surface synthétique a été installée au terrain annexe. D'ici la prochaine saison, le terrain central sera retapé à neuf. Vous parlez de projets pour l'ESM. Envisagez-vous de rempiler au club ? Je dois reconnaître que des impératifs familiaux m'ont obligé de revenir dans le championnat tunisien après un long bail dans le Golfe. Car il n'est jamais aisé d'exercer dans le championnat de Tunisie avec ses nombreux problèmes: violence, arbitrage, calendrier, anarchie... Ce climat n'encourage pas à coup sûr à travailler sur le long terme. Pourquoi les footballeurs tunisiens optent-ils pour la destination du Golfe ? Parce que notre footballeur veut gagner 100 mille dinars par mois sans impôts, tout en ne se privant guère de sa chicha, de ses soirées...Et gagner s'il le faut par un coup de pouce arbitral. Physiquement et intellectuellement, il n'a pas le niveau pour jouer en Europe. Et après, on se demande pourquoi nos clubs sont éliminés dès les quarts de finale des coupes africaines. Que faudrait-il attendre d'un championnat faible (je me demande comment il est classé le premier en Afrique, ou dans le monde arabe, et à partir de quels critères) et où les trêves les plus inutiles sont décrétées à tout bout de champ. Au lieu de forcer tous les joueurs et clubs à une aussi longue trêve, n'aurait-on pas mieux fait de participer au Chan (championnat d'Afrique des joueurs locaux) ? De nouveaux éléments auraient gagné en expérience et en compétitivité au contact de bonnes équipes ? Et puis, pourquoi aller au Qatar pour le dernier stage alors qu'on aurait pu travailler tranquillement au pays, et profiter de la venue en Tunisie de nombreuses sélections africaines qui préparaient justement le Chan ? A ma connaissance, nous avons joué au Qatar contre Al Duhail et Mseimer, de la ....D2 qatarie qui ne sont pas meilleurs que toutes ces sélections. Peut-être devrait-on donner raison aux joueurs partis en Arabie Saoudite. Ils ont fui l'enfer de notre football. Le stage du Qatar n'a-t-il que des aspects négatifs, à votre sens ? Surentraînés et astreints à un lourd travail physique, certains joueurs sont rentrés blessés. Le seul avantage, c'est que cette mise au vert soit gratuite.... Autrement, je me demande si le sélectionneur national s'est réuni un seul jour avec les entraîneurs des clubs. Il n' y pas continuité: un jour, on établit l'ossature à partir des joueurs de l'EST ou de l'ESS, un autre, on recourt à des expatriés parfois même blessés. A quoi peuvent-ils servir ? Bref, personne ne nous consulte sur la forme de nos joueurs, s'ils peuvent servir à tel poste ou tel autre...