Par Samira DAMI Dans les années 70, plus précisément en 1974, le club culturel Tahar-Haddad est né en plein cœur de la Médina de Tunis. Fondé par l'inénarrable Jalila Hafsia, journaliste et écrivaine, mais aussi l'une des pionnières du militantisme féminin, cet espace culturel porte bien son nom (celui de l'illustre réformateur et militant en faveur de l'émancipation de la femme et des droits syndicaux durant le début du XXe siècle) tant il a été fréquenté et animé par le gratin du monde artistique, littéraire et intellectuel entre penseurs, universitaires, écrivains, poètes, plasticiens, cinéastes, musiciens, chanteurs et autres. L'intérêt pour ce temple de la culture est dû certainement à l'esprit agitateur et la vive ardeur de sa directrice qui a su par son action créer un bouillonnement culturel et intellectuel remarquable. Mais la popularité de cet espace est dû également à l'originalité architecturale du site ainsi qu'à son décor intérieur spécifique chaleureux et convivial. Il est vrai que le club Tahar-Haddad a élu domicile au «Makhzen» du Dar Lasram, «une sorte de magasin de provisions et d'écurie rattachés au Palais». Ces lieux historiques et pittoresques, à la fois sobres et élégants, qui ont été restaurés et transformés en espace culturel, portent jusqu'à aujourd'hui l'empreinte de son ancienne directrice à travers non seulement la nature de l'action et des programmes culturels initiés mais aussi à travers la touche décorative personnalisée et délicate qui les distingue. Ainsi l'architecture, le décor et l'aspect chaleureux de l'espace ont largement contribué à sa notoriété, sa popularité et son rayonnement, depuis voilà 44 ans . Cet espace étant fréquenté par un public hétérogène, entre étudiants, créateurs, penseurs, outre les enfants de la Médina attirés par les nombreuses activités culturelles programmées mais aussi les clubs en tous genres (dessin, musique, danse, chant, etc). Or, ce qui manque aujourd'hui à la majorité de nos espaces culturels publics, c'est justement cette touche artistique particulière dans l'agencement, la décoration et l'ornementation des lieux. Car, on le sait, le décor ambiant ou la forme importe autant que le contenu, soit les activités et les programmes proposés. D'autant que, disons-le, dans la majorité de ces établissements, ce n'est pas le bon goût qui domine. Ainsi, il est très rare de voir un directeur ou un animateur de nos maisons de la culture, que ce soit dans la capitale ou dans les régions, prendre l'initiative pour donner un cachet décoratif plaisant et convivial aux espaces qu'ils dirigent et animent, cela en recourant ou en s'inspirant de l'artisanat et des produits locaux. Pourtant, des exceptions qui devraient devenir la règle existent. Et c'est le cas de Najah Sellimi, directeur de la maison de la culture de Chorbane (gouvernorat de Mahdia) fondée en 1986, et qui, depuis qu'il la préside en octobre 2017, a pris l'initiative de donner un cachet particulier à l'espace en créant un décor artistique spécifique et typique utilisant ainsi des produits locaux et des objets de récupération propres à cette localité essentiellement agricole. Et le résultat est pour le moins agréable et plaisant, en témoignent les photos postées sur le site du ministère des Affaires culturelles qui a salué l'initiative dans un communiqué. L'action mérite donc des encouragements d'autant qu'elle n'a pas nécessité des dépenses financières importantes mais a juste nécessité de la volonté, outre un brin de créativité afin de rendre les lieux plus chaleureux et plus accueillants pour ses habitués, notamment les enfants qui s'activent dans plusieurs clubs de cinéma, danse, culture numérique, musique, arts plastiques, littérature et roman, théâtre, sculpture, un atelier de bricolage et autres. Ainsi, en s'investissant aussi bien dans l'amélioration de l'espace (la forme) que dans le contenu (les activités et programmes), les directeurs et animateurs de nos maisons de la culture pourraient apporter ce plus spécifique et distinctif désormais nécessaire afin d'initier et d'habituer notamment les enfants et les jeunes à la pratique culturelle et à l'amour des arts. Il est, donc, clair que le temps, où ceux qui président aux destinées des espaces culturels publics se limitent à programmer des activités dans des lieux le plus souvent peu accueillants et peu agréables, est bel et bien révolu. Et le club culturel Taher-Haddad ainsi que la maison de la culture de Chorbane constituent, dès lors, des exemples à suivre pour d'autres établissements culturels publics.