Cette designer de formation universitaire, spécialisée dans la céramique, a lancé sa propre activité artisanale en 2013. Brune, cheveux courts, et petites lunettes rondes, Monia Rassaâ a tout du profil universitaire. Professeure de design à l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis, cette passionnée de céramique allie son talent d'artiste et sa connaissance de l'argile pour réaliser des services de table traditionnels modernisés. «Je ne peux pas enseigner, sans pratiquer», assure-t-elle. Voilà dix ans que Monia Rassaâ a terminé sa thèse portant sur «La régénération de la céramique domestique traditionnelle de Nabeul». «C'était un travail passionnant, je n'ai pas voulu m'arrêter». Avec seulement un ouvrage portant sur les potiers de Nabeul, Monia a réussi à faire une analyse très précise de l'art traditionnel de la céramique tunisienne. Son désir de travailler sur la poterie vient de loin, puisque la céramique de Nabeul résonne pour elle comme une madeleine de Proust : «Quand j'étais jeune, j'allais aux souks de Nabeul. Et je trouve qu'il y a un amalgame de couleurs, de décors à l'heure actuelle. C'est devenu kitsch, avec beaucoup de folklore, on peut dire que Nabeul a perdu son cachet». L'art de la poterie Son objectif est alors de remettre à l'ordre du jour le traditionnel, tout en le modernisant. A la fin des années 1980, elle commence à toucher à l'argile en parallèle de ses recherches : «L'argile est un matériau très vivant, cela a pour moi un aspect thérapeutique. J'étais très impatiente, et ça m'a énormément appris». L'art de la poterie demande en effet beaucoup de patience, il faut à Monia en moyenne entre quinze jours et un mois pour réaliser une pièce : «L'argile prend des propriétés différentes en fonction des étapes de conception. L'instant magique, c'est quand on ouvre le four et que l'on voit apparaître les couleurs, c'est toujours un effet de surprise car on ne peut pas voir ce que ça va donner avant!». De son petit atelier de Nabeul, Monia Rassaâ fait des allers-retours presque tous les jours depuis Tunis et ne trouve plus le temps de faire du sport. Lancée en 2013, sa marque Ekho Design a pour objectif de moderniser le traditionnel : «Je fais des choses qui émanent de mes souvenirs, je suis dans le traditionnel mais très design. C'est quelque chose de profond, qui reflète ma culture». Si Monia est habitée par la passion de son travail, la réalité de l'auto-entrepreneuriat est tout autre. Pas encore à proprement parler commercialisé, Ekho Design est seulement présent lors des salons de l'artisanat, deux fois par an : «C'est pour moi une consécration à chaque fois, mais je me suis rendu compte que je ne vendais pas au prix juste et j'ai beaucoup de charges à payer». Si son modèle commercial ne semble pas viable pour le moment, Monia Rassaâ ne baisse pas les bras. Elle suit actuellement des formations pour apprendre à gérer son entreprise. A 53 ans, cette designer espère un jour pouvoir peut-être exporter ses créations à l'étranger mais toujours en privilégiant l'exigence de la qualité.