Les grosses pointures de la chanson tunisienne sont montées sur scène, à Bizerte, pour soutenir un ami en détresse. Hatem Ben Amara, au sommet de son art, décontracté et pétillant à la fois, fait monter les enchères. Silence dans la salle. Cent dinars...Deux cents... trois... six cents dinars... Une fois, deux fois, trois fois...Adjugé ! Six cents dinars l'exemplaire du dernier livre de votre modeste serviteur «Je suis arabe mais je me soigne». C'était samedi dernier à l'hôtel Bizerta Resort. J'étais tout content de ces enchères qui ont rapporté respectivement 600, 500 et 400 dinars pour trois minables exemplaires ! J'étais content, pas pour moi, mais pour lui. Lui, c'est Fayçal Rejiba, qui touchera cet argent. Fayçal Regiba, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un artiste tunisien, célèbre musicien et star à Bizerte. Et puis, parce que la vie c'est comme ça, Fayçal Rejiba est tombé malade. En plus d'un diabète, il a eu un problème de reins. Deux séances de dialyse par semaine. Deux séances qu'il faut payer en espèces sonnantes et trébuchantes, lui qui n'a même plus la force de chanter. Il faut le faire, quand on n'a pas de sécurité sociale et lui, hélas, n'est pas remboursé. Il faut bien faire quelque chose. C'est alors que tout Bizerte s'est mobilisé pour lui. Tout Bizerte et toute la Tunisie, je veux dire. Kamel Robbana, directeur de Radio Oxygène, donne l'alerte. Le Club de l'information et de la presse du Nord basé à Bizerte dont il est directeur a bougé. Le gouverneur de la région, lui aussi, a donné du sien. Le ministère des Affaires culturelles, par commissariat régional à la Culture interposé, a répondu présent. Notre ami Afif Kchok, hôtelier, journaliste à la base, a offert la grande salle de son hôtel et a mis plus d'une cinquantaine de chambres à la disposition de ceux qui viendront animer le méga-concert organisé au profit de Fayçal Rejiba. Hatem Ben Amara n'avait plus qu'à sortir son calepin et appeler ses amis : Lotfi Bouchnaq, Slah Mosbah, Chedly Hajji, Hédi Donia, Mounira Hamdi, Alya Belaïd, Moncef Abla, Abdelwahab Hannachi, Soumaya Hathroubi, Mohamed Mouhi, Hmada et même la blogueuse-actrice Mariem Ben Moulahom. Tout ce beau monde a chanté gratuitement. L'excellent orchestre les a accompagnés bénévolement et les spectateurs ont payé cher leurs tables pour aider au mieux l'artiste malade. Ce gala a rapporté à Fayçal Rejiba plus de douze mille dinars. Il faut noter, pour parler argent, que le ministère des Affaires culturelles a eu l'élégance de payer à Fayçal Rejiba un cachet de trois mille cinq cents dinars pour sa présence lors de ce gala. Mehdi Ben Gharbia, ministre, a, lui, offert, de son argent personnel, la somme de mille dinars. Certains, parmi les artistes présents, ont eux aussi donné un chèque. Emu mais humble, Fayçal Rejiba regardait tout ce beau monde se démener autour de lui, réalisant qu'il n'est pas seul dans son combat contre la maladie. Voyez comme ce n'est pas du tout difficile de rendre un artiste heureux et Fayçal Réjiba, en ce samedi, était heureux, pas pour l'argent mais pour l'amour des gens.