Lundi 26 février, le conseil de l'IVD décidera, lors d'une réunion, du sort de l'instance, à savoir prolonger ou non son mandat d'une année supplémentaire. Sihem Ben Sédrine, présidente de l'IVD, considère que l'instance poursuivra sa mission jusqu'en 2019 quel que soit l'avis de l'ARP Trois mois avant la fin de son mandat, l'Instance vérité et dignité (IVD) vient de divulguer les résultats de la consultation nationale qu'elle avait lancée, en mars dernier, sur la réparation et la réhabilitation des victimes de la dictature, conformément aux dispositions de la loi organique adoptée par l'ANC, le 24 décembre 2013. Soit, après quatre ans ou presque, le processus de la justice transitionnelle n'a pas encore révélé tous ses secrets. Pourtant, des milliers de dossiers ont déjà été déposés auprès de l'IVD dont l'issue semble, jusque-là, incertaine. Hier dans son siège à Montplaisir, dans la capitale, s'est tenu un atelier de travail consacré au programme global de dédommagement à titre individuel ou collectif destiné aux régions victimes de marginalisation des décennies durant. En fait, la consultation réalisée sur huit mois, de mars à décembre 2017, a concerné 6.275 interrogés au total, questionnaire basé sur un échantillon représentatif de 30.000 victimes ayant droit à l'indemnisation et un nombre de Tunisiens pris à témoin sur la marche de l'instance. La société civile était aussi associée à la réflexion sur les détails de la réparation et les pistes de sa traduction dans les faits. Cette approche participative était telle qu'elle vise à donner aux résultats aboutis une marge de crédibilité, à même de ne pas discréditer l'IVD. Dans une allocution d'ouverture, d'ailleurs assimilée à un magnifique discours d'adieu, sa présidente, Mme Sihem Ben Sedrine, a voulu convaincre par les mots et les chiffres. En tout cas, ce moment jugé « tant attendu » a été considéré comme un évènement de taille, de par son caractère inaugural d'une étape cruciale vers l'aboutissement. « Tout ce que je voudrais vous assurer, c'est que le peuple tunisien veut la justice transitionnelle », affirme-t-elle. 75% des Tunisiens portent une perception positive à son égard, 94% des interrogés se sont déclarés pour la réparation dans ses trois formes matérielle, morale et symbolique. « Et ce, contrairement à ce que prétendent certains médias qui pêchent en eau trouble, en voulant à l'instance et à sa légitimité », accuse Mme Ben Sedrine qui vient, tout récemment, de perdre en appel son procès intenté contre Nizar Bahloul, journaliste et directeur de Business News. Et d'ajouter qu'une telle campagne calomnieuse vise à mettre en doute tous les projets de l'IVD. D'ici la fin de son mandat, prévu en mai prochain, l'instance tiendra, comme elle l'a d'ailleurs promis, ses engagements. « Son rapport final est censé répondre aux attentes et aspirations des Tunisiens », rassure-t-elle encore. Mais, dénonce-t-elle, autant on s'approche des délais, autant l'IVD voit son sort réellement menacé. «Trop d'articles publiés par mois afin de désinformer, voire induire le public en erreur. Certes, la vérité dérange », indique-t-elle. Incroyable, au point que certaines victimes elles-mêmes ont fait l'objet de sérieuses menaces. Pour elle, il s'agit d'une tentative à dessein visant à créer un climat de tension et semer chez les ayants droit la discorde et la zizanie. En conclusion, Mme Ben Sedrine s'est félicitée de voir la consultation nationale aboutir à un programme global de dédommagement dont la mise en œuvre serait du ressort de l'Etat. Contre-vérité ? De son côté, la présidente de la commission réparation et réhabilitation au sein de l'IVD, Mme Hayet Ouertani, a présenté les résultats tant qualitatifs que quantitatifs issus de ladite consultation presque généralisée à toutes les victimes de la dictature, évoquant ainsi les 16 formes de violation des droits humains (torture, viol, enlèvement, migration forcée, mise sous surveillance administrative, détention injuste). Du reste, le questionnaire tel que rempli par les victimes interrogées confirme la tendance vers la réparation des préjudices commis du 1er juillet 1955 jusqu'à décembre 2013, date de l'adoption de la loi relative à la justice transitionnelle. Cela dit, enquête à l'appui, la majorité des sondés se sont montrés satisfaits de ce qui a été réalisé par l'IVD. Il y a eu un avis partagé sur l'importance capitale de toute forme d'indemnisation, sans pour autant négliger la valeur symbolique des excuses à présenter, l'insertion des bénéficiaires et leur réhabilitation et l'indemnisation des régions victimes. Condition sine qua non pour rétablir la vérité, rendre justice aux justiciables, déterminer les responsabilités, avant de passer, enfin, à la réconciliation nationale souhaitée. La conférence a fini par redonner espoir aux plaignants. Au dehors, à l'entrée de l'IVD, il y a eu, toutefois, de quoi remettre tout en cause. Un certain nombre de protestataires ont démenti les propos de Mme Ben Sedrine, disant qu'elle n'a pas tenu parole. «Elle n'a pas donné suite à nos dossiers qui lui ont été remis. Elle nous ménage sans voir rien venir», déplorent ces bénéficiaires de l'amnistie générale. « Hier, nous étions prisonniers, aujourd'hui trompés », s'écrient-ils, désespérés. Somme toute, la réunion de ce lundi 26 février, annonce Mme Ben Sedrine, décidera de son sort. Renouveler ou pas son mandat? L'ARP va-t-elle lui accorder encore la chance d'une année, jusqu'à mai 2019?