Ce soir, de nouvelles audiences publiques avec les victimes des exactions commises à l'ère coloniale, peu avant l'Indépendance Au moment où l'idée de réconciliation nationale globale fait son chemin, sur fond de cacophonie, l'IVD (l'Instance vérité et dignité) montre une bonne figure, pleinement engagée sur la dernière ligne droite. Il ne lui reste qu'une année pour venir à bout d'un mandat difficilement entamé il y a presque trois ans. Cette instance semble beaucoup miser sur la justice transitionnelle en tant que l'unique voie « légale et légitime » vers une réconciliation nationale bien réelle. Se lançant dans une course contre la montre, sa présidente, Sihem Ben Sedrine, paraît trop satisfaite d'elle-même. Lors d'un point de presse au siège de l'IVD à Montplaisir, elle vient d'annoncer le démarrage imminent d'une consultation nationale élargie sur le programme global de réhabilitation des victimes de violations des droits de l'Homme. La période de réalisation est fixée du 26 mars au 2 avril 2017. Avant de quitter, en raison de ses engagements professionnels, dit-elle, Mme Ben Sedrine a, d'emblée, donné rendez-vous, ce soir, avec un nouvel épisode des fameuses séances d'auditions publiques, diffusées en direct sur « Al Watania 1 », mais aussi sur d'autres chaînes de télévision privées. Puis, le micro a été passé à Mme Hayet Ouertani, présidente de la commission de réparation et de réhabilitation au sein de l'Instance, pour revenir sur la consultation, dans ses moindres détails. Y compris son cadre général et les objectifs à atteindre. Elle s'inscrit dans le droit fil de la mise en œuvre de la loi organique 53-2013 régissant la justice transitionnelle, en vertu de laquelle le dédommagement matériel et moral des victimes en constitue le maillon fort. Trois étapes Qu'il s'agisse d'individus, de groupes ou même de régions, leur compensation pour avoir été, de juillet 1955 au décembre 2013, sujets à des exactions physiques, d'exclusion ou de marginalisation, est sans doute un droit acquis. Et d'ajouter que cette consultation tous azimuts devrait être effectuée en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes : victimes d'injustice elles-mêmes, société civile, représentants de l'Etat, femmes, enfants, catégories à besoins spécifiques, soit le plus grand nombre possible des citoyens. Leurs suggestions et propositions seront ainsi prises en considération dans la formulation des recommandations et la conception du programme global de réparation. Ce dernier doit se faire en trois étapes, en guise de cercles de dialogue et d'échange, dans un cadre particulièrement participatif. La première sera dédiée à la société civile, toutes sensibilités confondues, tout en ouvrant le débat avec les différents départements de l'Etat. La seconde sera exclusivement consacrée à former des « focus groupes » représentant les diverses catégories de victimes, en tenant compte des tranches d'âge, du sexe et des spécificités propres aux personnes les plus vulnérables. Tandis que la troisième étape consiste essentiellement en la conduite d'une enquête basée sur un questionnaire destiné au grand public. Rendez-vous dans les régions Pour ce faire, la consultation sera soumise à un calendrier préétabli dans le temps et dans l'espace. Elle est répartie sur une carte géographique touchant toutes les régions du pays. Au nord-ouest, la consultation aura lieu ce dimanche 26 mars, à Jendouba. Et le même jour à Kasserine pour les régions du centre-ouest (Sidi Bouzid et Kairouan). Le rendez-vous du 31 de ce mois sera attendu à Médenine et à Gafsa. Il concernera, pendant la même journée, les régions du sud tunisien. La consultation prendra fin le 2 avril dans le reste du pays (nord et centre-est), avec pour lieux des travaux Tunis et Sousse. Ce marathon aura ainsi duré une semaine. Il sera, ultérieurement, sanctionné par un congrès national, avec pour objectif la récapitulation des recommandations issues des consultations. Et là, une mobilisation massive de la société civile semble de mise, appelle Mme Ibtihel Abdellatif, chargée de la commission de la femme au sein de l'IVD. Réagissant aux questions des journalistes, M. Khaled Krichi, président de la commission d'arbitrage et de conciliation, a qualifié l'initiative présidentielle sur la réconciliation nationale de fausse note, et dont les intentions ne sont pas innocentes. Et de commenter que tout projet de réconciliation globale en dehors du processus de justice transitionnelle n'a pas sa raison d'être. « Voire un mécanisme parallèle qui ne mènera à rien, d'autant plus que cette initiative est restée, depuis maintenant deux ans, lettre morte », juge-t-il. Et de se féliciter du parcours réalisé par l'IVD, tout en passant en revue l'ensemble des dossiers d'arbitrage et de corruption résolument tranchés. « Il ne nous reste qu'une année au cours de laquelle l'Instance mettra le paquet pour honorer ses engagements, à même de parvenir à défricher le terrain de pardon et de réhabilitation, dans le cadre d'une justice équitable et non pas sélective ou vindicative », résume-t-il, en conclusion. Au-delà de la reddition des comptes, c'est la réconciliation nationale qui l'emportera.