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Les effets néfastes de la dépréciation du dinar Entretien avec... Mme Fatma Marrakchi Charfi, Professeure en sciences économiques à l'université de Tunis El Manar
La Tunisie réalise 70 % de son commerce extérieur avec la zone euro. Cependant, sur les deux dernières années (2017, 2016), le dinar a perdu respectivement 10 et 20% de sa valeur. Cette dépréciation a des retombées économiques et sociales qui peuvent être positives et/ou négatives, mais dont l'origine a une justification économique. Le dinar tunisien est-il défendu par l'autorité monétaire ou est-il emporté par le vent ? Quelles sont les raisons de la dépréciation du dinar ? Certes, la valeur du dinar dépend de la parité euro/dollar mais dépend en grande partie de la liquidité en devises. Ainsi, un dinar faible est, en grande partie, le résultat des mauvaises performances de l'économie (une croissance molle, un déficit commercial croissant, un déficit courant qui s'aggrave, un déficit budgétaire non contrôlé, un taux d'inflation de plus en plus élevé, etc.). De ce fait, une évolution négative des fondamentaux de l'économie ne peut que mener à un dinar plus déprécié. Ainsi toute pression sur la demande de devises, par rapport à l'offre qui provient d'importations excédentaires par rapport aux exportations par exemple, ne fait que déprécier la valeur du dinar. Quelles sont les conséquences de cette dépréciation ? La dépréciation du dinar vis-à-vis de l'euro et de l'USD aussi aura, au moins, trois effets négatifs et un quatrième censé être positif : Le premier est le phénomène inflationniste qui est dû à la transmission de la dépréciation du dinar aux prix domestiques. Les prix domestiques peuvent être les prix des biens finaux destinés à la consommation ou aux biens servant comme des consommations intermédiaires et, dans les deux cas, la dépréciation entraînerait, quand elle a lieu, une augmentation des prix et donc une inflation. Sachant que l'indice de prix à la consommation est à environ 26% administré, la transmission de la dépréciation sur les prix domestiques n'est que partielle. Toutefois, la perte de pouvoir d'achat due à cette inflation importée est bien là. Le deuxième effet négatif est sur la Caisse générale de compensation et donc sur le budget de l'Etat. En effet, le renchérissement des produits importés de première nécessité, suite à la dépréciation, alourdira les dépenses de la Caisse de compensation et donc le déficit budgétaire, puisque le consommateur paie le même prix et la différence sera supportée par l'Etat. Le troisième effet négatif est relatif au renchérissement de la dette extérieure (privée et publique) exprimée en monnaie nationale. Sachant que l'envolée de la dette publique aura tendance à alourdir le déficit budgétaire, ce qui est à éviter, puisque la loi de finances 2018 table sur une réduction du déficit budgétaire. Le quatrième effet est censé être positif. En effet, une dépréciation est censée améliorer la balance commerciale à long terme, en décourageant les importations qui deviendraient plus chères pour les Tunisiens et en encourageant les exportations qui deviendraient moins chères pour le client européen. Cet effet est conditionné par le fait que l‘effet volume (augmentation du volume des exportations et diminution du volume des importations) l'emporte sur l'effet prix qui rend plus cher la valeur des importations si la quantité importée ne diminue pas. Concrètement, la balance commerciale n'est pas en train de s'améliorer. Quelles sont les solutions possibles ? Même si la BCT intervient pour défendre la parité du dinar vis-à-vis des autres monnaies en utilisant les réserves de change, elle ne peut le faire que ponctuellement pour éviter les variations erratiques de la valeur du dinar et lisser sa volatilité. Etant donné que la BCT n'a pas beaucoup de réserves de change et qu'elle en a besoin pour pouvoir payer les importations, payer ses engagements et se prémunir contre les chocs négatifs (tel qu'une augmentation du prix du baril de pétrole à l'international). De ce fait, pour redresser le dinar et remonter la pente, la première solution préconisée est d'encourager les exportations (retour des exportations de phosphate ou de toute autre activité exportatrice) et encourager toute activité pouvant générer une entrée conséquente de devises telle que le tourisme. Chercher des niches à l'export ou développer des activités à fort potentiel d'exportation peuvent prendre du temps avec la nécessité d'élaborer une stratégie à l'export. Une autre manière d'augmenter l'offre de devises, c'est d'avoir une entrée plus importante des fonds de la diaspora tunisienne à l'étranger, d'une plus grande affluence d'investissements directs étrangers et, le cas échéant, d'un endettement plus important. A très court terme, on peut protéger l'économie nationale en limitant l'érosion des devises en confinant l'importation des produits dont le substitut est fabriqué localement ou à la limite activer les clauses de sauvegarde pour limiter certaines importations, ce qui est plus compliqué qu'une augmentation de droits de douane. Toutefois, en protégeant certains secteurs, il est certain que cela encourage le secteur parallèle d'où l'utilité d'accompagner la protection par des mesures de lutte contre le marché parallèle.