Guy Béart, l'auteur de L'Eau vive, publie son premier album depuis quinze ans, Le Meilleur des choses. Comme il sort en même temps un important Best of, les retrouvailles sont complètes avec ce maître de la chanson française. L'œil a gardé sa couleur d'étang d'automne, la voix a toujours son voile si reconnaissable, les mélodies ont conservé leurs évidences mémorables, la plume mêle toujours la poésie soyeuse et l'acidité du polémiste. Guy Béart est donc revenu, quinze ans après Il est temps, son précédent album studio. Quelques années plus tard, il avait sorti un album live mais, depuis des années maintenant, plus rien dans les bacs des disquaires. Alors, pour qu'un bonheur n'arrive pas seul, Béart revient en pleine lumière avec Le Meilleur des choses, un nouvel album qui paraît en même temps qu'un Best of en trois CDs. On dispose donc à la fois de l'actualité du chanteur et du manuel de rattrapage, de ses dernières productions et de la mémoire d'une œuvre qui fut, jusqu'à l'aube des années 80, comptée parmi les plus fécondes et prestigieuses de la chanson française. De L'Eau vive au Grand chambardement, du Chapeau aux Grands principes, de La Vérité aux Couleurs du temps, cet auteur-compositeur-interprète qui a commencé sa carrière au milieu des années 50 a multiplié les tubes radiophoniques et les chansons enseignées dans les écoles, les couplets-éditos et les ballades rêveuses qui lui apportèrent un prestige et une popularité à peine un degré en-dessous des Brassens, Brel ou Ferré. Mais le personnage n'est pas facile : malgré le fait que le Who's Who de la culture, des arts et de la politique se presse à ses Bienvenue, talk shows télévisés étourdissants, ou aux légendaires «réveillons d'été» qu'il organise dans sa magnifique maison Art déco de Garches, Guy Béart est volontiers en guerre. Guerre contre son époque, contre ses maisons de disques et ses tourneurs successifs, contre les médias, contre l'esthétique dominante… Et il n'est pas assagi : dans Télé Attila, il règle son compte en six minutes «Aux informations poubelle/Poubelle et coups bas» et à la télé «Qui fait croire à la culture/Du n'importe quoi/Sans écrit et sans lecture». Mais il sait aussi reconnaître, dans Ça qu'est bien, que sous les grèves, les querelles politiques ou l'obsession des people, il y a du plaisir et de l'amusement tout simples. Et, finalement, c'est en pacifiste, en amoureux de l'amour et en éternel rêveur qu'il se présente le plus souvent. À quatre-vingts ans, il ne paraît ni plus atrabilaire ni plus lunaire qu'il l'a toujours été, retrouvant avec ce disque son dosage si singulier de miel et de vinaigre qui est sa marque de fabrique depuis toujours. On ne peut que se féliciter de la parution conjointe du nouveau Béart et de son premier best of depuis des lustres : on peut réaliser à quel point il a su rester fidèle à lui-même, à ses éternelles inquiétudes devant la déshumanisation des hommes, à ses difficultés à admettre que le monde ne soit pas gouverné par l'amour. On cède volontiers à la douceur d'une ballade inspirée par l'Afrique (Je vais au Burkina Faso), à une déclaration d'amour au guitariste défunt Marcel Dadi (Pique sur tes ficelles) ou à une rupture avec les affres de l'amour-passion (Les Amours tranquilles). Et on cède d'autant mieux que ces chansons sont sculptées avec Hervé Brault, Manu Galvin et Michel Haumont aux guitares, Roland Romanelli à l'accordéon, Laurent Vernerey à la contrebasse, Nicolas Montazaud aux percussions – des musiciens que l'on sent heureux de servir une légende de la chanson française.