Par M'hamed JAIBI Le réchauffement des troupes au sujet des fameuses «lignes rouges» de l'Ugtt que sont les éventuelles privatisations que pourrait opérer Youssef Chahed n'est assurément pas une bonne politique pour une centrale syndicale historique qui appuie le gouvernement dit d'union nationale. La bonne approche ne serait-elle pas de mettre en route un dialogue apaisé concernant les privatisations, les restructurations et les consolidations que nécessitent de nombreuses entreprises publiques boîteuses qui grèvent, chaque année davantage, le budget de l'Etat. Lignes rouges ou négociation Le secrétaire général de l'Ugtt qui, pour la première fois, lance une attaque frontale contre le chef du gouvernement, affirmant qu'il «ne voit rien de positif» dans son action, a évoqué, vendredi, lors d'un congrès régional de son organisation, l'expérience des privatisations effectuées dans les années 1990, les qualifiant de catastrophe nationale. Cependant, Taboubi garde la porte entrouverte, puisqu'il indique que l'Ugtt est disposée à négocier. Même si les esprits critiques peuvent voir, dans ce discours, une contradiction inconciliable entre la négociation et les lignes infranchissables que représentent les privatisations aux yeux de la centrale qui appelle, au contraire, à des «réformes», notamment à travers la restructuration et la «lutte contre la corruption au sein des établissements publics», combat que mène déjà Youssef Chahed, il est possible qu'un sage puisse convier les deux parties à engager un véritable dialogue visant à évaluer l'expérience des années 90, de soupeser objectivement ses apports effectifs et durables, et ses méfaits sur la «souveraineté nationale» présupposés par les syndicalistes, autres que les certitudes idéologiques de certains courants. Un débat mal entrepris en 1990 Le dialogue, qui devrait prendre forme aujourd'hui, est convié à faire le bilan du P.A.S. (Programme d'ajustement structurel) suggéré, alors, par le FMI, et que toute l'opposition tunisienne avait rejeté en 1986, puis toléré suite à la prise de pouvoir de Ben Ali en novembre 1987, et enfin accepté et mis en œuvre la main dans la main avec le nouveau pouvoir «du changement», qui s'est avéré être un faux ami de la démocratie, mais qui a su mener avec succès le P.A.S de l'époque et bâtir une industrie manufacturière de partenariat avec l'Europe qui a fait de la Tunisie le premier pays exportateur de la rive sud vers l'UE. Il est important, aujourd'hui, de mettre un terme à la discussion entre sourds qui s'est établie à propos du principe même de la privatisation, pour faire un bilan des privatisations opérées sous Ben Ali, lesquelles nous ont laissé des milliards de dinars de réserves financières publiques qui ont été dilapidées après la révolution.