Par M'hamed JAIBI Une terrible campagne visant Youssef Chahed s'est déclenchée ces jours-ci, prétextant les faiblesses que recèle le projet de loi de finances. Mais cette campagne ne vient pas de l'opposition mais de la majorité parlementaire sur laquelle s'appuie le gouvernement, ce qui en fait une «première mondiale». Mais, en réalité, tout l'échiquier politique national se montre impuissant face la crise qui bloque le pays. Cette crise est due à l'inaptitude de notre classe politique à se résoudre à apporter les réformes «douloureuses» ou «courageuses que nécessite le blocage économique, social et financier actuel dans lequel s'est embourbé le pays, lequel masque toute visibilité d'avenir et enraie totalement la dynamique du développement. Ce alors que s'est dégagé un véritable consensus national sur le diagnostic, si l'on excepte les «lignes rouges» Le pays tout entier tourne en rond autour des mesures nécessaires que la classe politique n'a pas le courage de prendre. Or, faute de recourir à ces réformes qui peuvent générer de l'argent frais de suite et des investissements massifs, le gouvernement ne peut que proposer une loi de finances quelque peu boiteuse. Ce alors qu'aucun groupe parlementaire n'a la moindre solution viable, hors les réformes courageuses que personne ne veut assumer. Un projet de loi à revisiter Le projet de loi de finances soumis à l'Assemblée s'est révélé peu incitatif au regard des objectifs nationaux en matière de relance des investissements, et peu audacieux quant aux impératifs d'amélioration du climat des affaires. Sachant qu'au niveau de la fiscalité, il a multiplié les ponctions, donnant l'impression d'accabler les différents types de contribuables. A un autre niveau, celui des hypothèses de travail pour l'estimation des dépenses publiques, on a sous-évalué le cours prévisionnel du baril de brut et l'évolution de la contrepartie de la monnaie nationale. Par ailleurs, il a été préféré à un élargissement de l'assiette des redevables de la TVA, un relèvement de 1% de la plupart des taux, ce qui pénalise tous les citoyens de base. Au moment où l'on sait que plusieurs activités ou catégories «spécifiques» bénéficient d'exonérations totales ou partielles qui sont contradictoires avec le principe d'universalité et de transparence de la TVA, et qui grèvent les finances publiques et frappent de plein fouet les règles de la concurrence loyale, On s'enrichit de la TVA Puisque le marché s'en trouve partagé en assujettis, non assujettis et exonérés sur un même produit ainsi commercialisé au prix hors taxe par les uns et au prix TTC par les autres. Ajoutez à cette grave entorse, la perturbation que cela implique sur le mécanisme de récupération de la TVA. De nombreux commerçants se sont enrichis de la TVA non payée à l'Etat ou de la vente en TTC de produits achetés aux prix HT puis vendus aux prix TTC. Dont, bien entendu, tous ceux soumis au régime forfaitaire. Pour l'Etat, le manque à gagner dû à ces distorsions affectant la TVA est énorme. Et une totale annulation des exonérations et exemptions s'impose clairement aujourd'hui pour rétablir la finalité originelle de la TVA. Cette annulation ne doit épargner aucun commerçant, aucun industriel, aucun prestataire de services, aucun consommateur. Y compris les organismes sociaux, les associations, les instituions nationales, les organismes d'Etat, les ambassades et organismes diplomatiques, les centrales syndicales et socioprofessionnels... Les faveurs ou «incitations» éventuelles doivent être accordées au compte-gouttes, par récupération en aval. De bonnes mesures mais... Le projet comporte pourtant de très bonnes mesures en faveur de l'emploi, des jeunes et des jeunes créateurs d'entreprise, ainsi que des incitations à l'exportation et à l'investissement, notamment dans les régions et zones sous-développées. Même si l'Utica les trouve très insuffisantes. En réalité, l'organisation patronale se plaint surtout de la pression fiscale qui pèse sur les entreprises privées, alors que le match parallèle les étouffe. Le fait est que la quête de fonds qu'exigent, à la fois, les besoins de financement du budget de l'Etat et les difficultés que connaît le trésor public rend inévitable le recours à de nouvelles sources de financement. A ce stade, entrent en jeu l'Ugtt et les partis de gauche et courants d'extrême gauche, et leurs «lignes rouges» opposées à toute privatisation, même partielle, des banques et entreprises d'Etat. Sachant, en plus, que l'Ugtt est opposée même à un allègement de la compensation devant accompagner l'évolution des prix réels de certaines denrées sur le marché international, alors que ces produits sont importés et que la chute du dinar les renchérit sérieusement. L'immobilier trop pénalisé Les faiblesses du projet de loi de finances sont dues au fait que l'on a été cherché l'argent dans des niches exiguës qui n'ont pas les moyens de dire non ou de susciter un refus ayant des conséquences pouvant déstabiliser le paysage social ou politique. Le cas de l'immobilier est édifiant. Ajouter une TVA de 19% sur l'immobilier aura un impact très négatif sur ce secteur qui fait travailler beaucoup de Tunisiens et qui reste une locomotive de toute l'économie nationale. Si ce taux est ramené à 6 ou 7%, il sera plus conforme à là volontés montrée par le gouvernement d'agir à la relance du secteur et notamment à l'indispensable promotion du logement social. On pourrait, par contre revenir sur l'exonération totale accordée aux sociétés totalement exportatrices. De même que le niveau de la taxe sur les dividendes semble être une mauvaise idée, ainsi que le niveau des taxes sur les matières premières et les produits de première nécessité, étant donné leur impact sur la production et sur la stabilité sociale. Bref, le projet a été pondu sous la pression des contraintes alors que tous les partis sont d'accord sur le diagnostic. Aujourd'hui, que la majorité prenne en otage ce projet serait une attitude injuste et injustifiée face au blocage.