Par M'hamed JAIBI Les centrales socioprofessionnelles mènent en leur sein des débats laborieux visant à être influentes et constructives lors de l'élaboration finale du projet de loi de finances pour l'année 2018. Car le texte du projet de loi, qui incombe certes au gouvernement, est en fait souvent le fruit de moult discussions, propositions, compromis tant avec les partis politiques que les organisations nationales et les multiples expressions de la société civile. Alléger les charges des entreprises Pour l'Utica et le secteur privé, la loi de finances 2018 doit absolument alléger la pression fiscale imposée l'année passée aux entreprises, y compris celles exportatrices. Et d'abord, ne pas succomber, en aucun cas, à la tentation de reconduire la fameuse «taxe exceptionnelle» de 7,5% conçue d'abord pour les «sociétés bénéficiaires» mais qui a frappé bien au-delà pour alléger les déficits budgétaires. Or l'endettement de l'Etat menace de plus en plus sérieusement la stabilité du pays, après avoir nui aux équilibres globaux et à la parité de la monnaie nationale. De sorte que les prêts, qui nous sont accordés par confiance en notre expérience démocratique, se transforment subrepticement en sables mouvants, engloutissant masse salariale et dépenses sociales. Un pic des charges salariales et sociales Les solutions proposées, aussi bien par l'Utica que par l'Ugtt, restent peu concordantes et souvent irréalistes, piochant dans des registres pouvant soit accentuer les tensions sociales soit augmenter encore les charges salariales et sociales de l'Etat en grevant l'action de développement si essentielle à la promotion des investissements. L'impératif de soutenir la croissance et la compétitivité des entreprises est légitimement conforté par tous les privés mais aussi par l'Ugtt et les petites centrales syndicales concurrentes. Cependant, si l'Utica voit bien l'Etat recourir à des privatisations pour renflouer les finances publiques, l'Ugtt s'accroche à ses «lignes rouges», souvent à fortes inspirations idéologiques, pour refuser toute cession, même partielle, des entreprises étatiques, y compris celles scandaleusement déficitaires ou structurellement non viables. Un endettement devenu structurel Le problème qui se pose depuis l'année dernière, c'est que le gouvernement essaie d'aborder un endettement devenu structurel, par des «solutions» partielles et conjoncturelles qui ne font qu'ajourner la dette et le déficit budgétaire. Or, pour arriver à limiter le déficit, il faudrait soit augmenter les recettes de l'Etat soit faire pression sur ses dépenses. De même qu'il est possible de cumuler les deux. Et diminuer les dépenses correspondrait soit à stabiliser la masse salariale des fonctionnaires et agents de l'Etat, soit alléger le montant global des dépenses sociales en prestations et compensation. Ce qui pourrait se faire en une levée partielle de la compensation accouplée à des appuis financiers directs aux populations des couches les plus mal loties. Une éventualité qui s'est toujours heurtée aux défaillances que recèlent les listes des «citoyens nécessiteux». Revendications légitimes et lignes rouges Cela dit, l'allègement modéré du subventionnement des produits de consommation courante a pu conduire, avant la révolution, à une progression des dépenses de compensation qui a été gérable et bien tolérée. Resteraient à traiter la question des revalorisations salariales promises et le volet des revendications récentes ou litigieuses. Mais ces questions pourraient trouver les voies de compromis acceptables par toutes les parties, si ces mêmes parties arrivaient à s'entendre sur la nécessité de procéder concrètement au gel de la masse salariale voire à sa compression. Mais si l'Ugtt pouvait faire passer à «l'orange» ses fameuses «lignes rouges» à propos des entreprises publiques, du dégraissage et de l'âge de la retraite, une grande marge de manœuvre serait consentie au gouvernement d'union nationale. Même si les syndicalistes préfèrent souvent s'abriter derrière l'appel à une lutte toujours plus résolue contre la fraude fiscale, la contrebande et la corruption qui rongent le pays. Une option qui semble, désormais, quelque part partagée par Youssef Chahed.