L'hôpital doit composer avec les moyens de bord Le secteur de la santé est en grande souffrance dans les régions de l'intérieur, où tout particulièrement la médecine de spécialité est jugée, à bien des égards, fort défaillante, tant les médecins spécialistes sont souvent introuvables et rechignent à s'installer dans ces régions où, dans le meilleur des cas, ils ne font que s'installer pour leur compte personnel. Il suffit d'ailleurs de se rendre à l'hôpital régional du Kef pour constater un manque énorme en spécialistes, notamment dans les domaines de la gynécologie, la radiologie, l'ophtalmologie, la neurologie et, surtout, la gériatrie, une spécialité qui fait défaut partout dans le pays où, paradoxalement, la population est en voie de vieillissement et requiert incontestablement une attention particulière. En dépit des avantages alléchants accordés par l'Etat aux spécialistes qui acceptent de s'installer dans les régions de l'intérieur, avec l'ajout d'une prime conséquente qui peut aller jusqu'à 700 dinars, les médecins spécialistes souscrivent rarement, selon le directeur régional de la santé du Kef, à cette offre. Et du coup, toutes les spécialités, ou presque, se retrouvent en grande souffrance avec, parfois, une absence totale dans les permanences, notamment dans les services de rhumatologie, de neurologie et de radiologie (le médecin est partant), alors que le service des urgences, qui a longtemps fait illusion pour devenir un service hospitalo-universitaire, s'est retrouvé avec un manque en effectif et le départ des deux universitaires qui l'ont épaulé pendant deux années, poussant la direction régionale à composer avec les moyens du bord et à se rabattre sur l'effectif disponible, surtout que quatre médecins de ce service auraient préféré partir en coopération à l'étranger où ils sont beaucoup mieux rémunérés, y compris pour les gardes et permanences. Un seul gynécologue, un radiologue, un ophtalmologue et pas de dermatologue dans toute la région : telle est la situation du secteur de la santé publique où cependant l'on estime que la situation épidémiologique est sous contrôle. Seuls quelques cas de tuberculose sont encore soignés, mais la prévalence de cette maladie engendrée par la consommation du lait frais issu de vaches atteintes de brucellose est conforme à la normale nationale, voire un peu au-dessous, comme l'a expliqué encore un médecin contrôleur au sein de la Direction régionale de la santé du Kef. Par contre, pas de problème au niveau des médicaments, essentiellement pour les maladies chroniques comme le diabète et l'hypertension artérielle, alors que les consultations sont assurées à raison d'une fois ou deux par semaine dans les dispensaires ou les centres de soin de base, en fonction du nombre d'habitants par localité. Excepté en cas d'épidémie (grippe saisonnière), la structure régionale fonctionne selon une cadence moyenne sauf pour certaines spécialités où il faut parfois attendre très longtemps pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste comme en ophtalmologie où les rendez-vous sont donnés pour 2019 tellement la spécialité est en réelle difficulté du fait de la présence d'un seul médecin épaulé parfois par un médecin conventionné. Selon certains médecins, ce sont les écarts énormes de salaires qui poussent les spécialistes à quitter le secteur public, ce qui influe sur la qualité des soins dans les hôpitaux et les réduit au service minimum tant les traitements ne sont pas assurés par des spécialistes de la profession. Au-delà encore de l'encombrement, c'est le risque de mort qui peut hanter certains malades comme les femmes dont la grossesse arrive à terme et devraient accoucher. Certaines d'entre elles ont été transférées d'urgence vers les hôpitaux de Siliana ou Jendouba et ont été sauvées de la mort. C'est dire alors la débandade qui prévaut dans le secteur public et menace la santé de la population, d'autant plus qu'une partie de la population n'a pas encore accès aux soins, notamment les chômeurs et les familles démunies non dotées de carnets de soin, un privilège pratiquement dont ne jouissent pas tous les Tunisiens alors que la santé est considérée comme un droit inaliénable pour tous. Honni soit qui mal y pense!