Ces dernières semaines, il n'y a pas foule dans le pavillon des poissonniers du Marché central à cause de la flambée des prix des poissons... La cherté du poisson se vérifie encore et toujours dans les marchés. A croire que le poisson disparaîtra bientôt de nos assiettes si les prix continuent à grimper de la sorte. Mardi dernier, il est environ onze heures au Marché central. Toujours cette foule dense déambulant dans les allées des grands pavillons du marché. Dans la halle aux poissonniers, de nombreux quidams traversent les couloirs l'œil inquisiteur. Les mains derrière le dos ou dans les poches, comme de simples passants curieux. Rares sont les personnes portant un couffin ou même un sac de provisions. La raison est claire comme de l'eau de roche : «Les prix sont montés en flèche!», rouspète un homme d'âge mûr, muni d'un sachet rempli de légumes. Le boycott comme moyen de pression Des soles à 29,800 D et des rougets à 19,800 D le kilo. Les stands sont alléchants, mais les prix découragent plus d'un. Le loup d'élevage est plus cher que la daurade écoulée au prix moyen de 11 D le kilo. Il est vendu à 18 D le kilo. Au supermarché, le prix est majoré de 1 dinar sur les deux variétés de poissons. Le prix des crevettes royales n'en finit plus de faire jaser. Depuis un an, le prix s'affichait déjà à 110 dinars le kilogramme, le voilà qu'il frôle désormais la barre des deux cents dinars par endroits... Des étals qui regorgent de poissons, mais qui attirent peu de clients. La crise des poissonniers est palpable et visible à l'œil nu. Les prix donnent le tournis. Pour peu que la qualité et la fraîcheur s'invitent à la table, il faudra délier grassement les bourses sous peine de se contenter de poissons bleus. Les sardines sont proposées à trois dinars chez un autre poissonnier qui brasse du monde autour de lui. C'est qu'il y a quelques semaines, un reportage sur la congélation des sardines par des spéculateurs dans le but de faire monter le prix de façon illicite a suscité l'étonnement et la colère des consommateurs ! Vendues à six dinars, alors qu'elles devraient être écoulées à un dinar, un poissonnier a pointé du doigt les intrus dans le secteur qui sont responsables, selon lui, de la perturbation des circuits de distribution officiels et auxquels on devrait interdire les congélateurs, objet de stratagèmes frauduleux. Un autre poissonnier montre fièrement son étalage de soles qui n'attire pas grand monde, hormis cet homme, trentenaire, qui a craqué en s'approvisionnant de trois pièces bien comptées pour trente dinars : «Cela fait bien longtemps que je n'en ai guère mangé, alors sur un petit caprice je me suis décidé à en acheter pour ma famille et moi. Parfois le luxe a un prix!». «Dix dinars, dix dinars, dix dinars», insiste un autre poissonnier, espérant attirer la clientèle grâce à ses prix défiant toute concurrence. Son étalage, largement garni de daurades à bas prix, attire quelques badauds qui déambulent entre les étals et qui scrutent les prix sans se soucier outre mesure de la fraîcheur ou de l'aspect du poisson. La campagne «Khallih yinten» menée par un collectif de personnes, il y a plus d'un mois, sonne comme un avertissement sur le branle-bas qui frappe l'activité des poissonniers. Elle a permis de dénoncer notamment les subterfuges qu'utilisent certains intrus dans le secteur pour faire grimper les prix. M. Slim Saâdallah, président de l'Organisation de défense du consommateur, a approuvé cette campagne destinée à encourager les consommateurs à boycotter les poissons dont le prix est, depuis quelques semaines, hors de portée des bourses moyennes. M. Saâdallah a expliqué que la mauvaise régulation des prix se poursuit à cause des circuits de distribution non officiels et les intermédiaires qui lèsent l'activité dans son ensemble. «Depuis 2012, cette culture du boycott a commencé à s'enraciner chez les Tunisiens. Au mois de novembre 2017, les grains d'Alep écoulés sur le marché ont été boycottés à divers endroits, ce qui a impacté sur le prix qui a diminué avant la fête du Mouled. Le prix du kilogramme est passé de 28 à 11 dinars en l'espace de deux mois. Cette fois-ci, l'action n'émane pas de notre organisation, mais de la société civile. Nous soutenons cette campagne».