PARIS (Reuters) — Les mouvements sociaux liés au débat sur la réforme des retraites pourraient coûter des centaines de millions d'euros aux entreprises françaises sans pour autant remettre en cause la dynamique de croissance. Les grèves et les perturbations dans l'approvisionnement en carburant touchent avant tout le secteur pétrolier et celui des transports. C'est pour ce dernier que les premières évaluations de la facture du mouvement sont disponibles. "Les grèves nous coûtent cinq millions d'euros (de recettes) par jour, soit environ 25 millions d'euros depuis la rentrée", a déclaré à Reuters une porte-parole d'Air France-KLM, confirmant une information de La Tribune. A la Sncf, "une journée de grève 'carrée' (non reconductible) coûte 20 millions d'euros", a dit une porte-parole de l'entreprise publique, tout en précisant que cette estimation ne pouvait pas être simplement multipliée par le nombre de jours de grève reconductible. Le coût est plus difficile à évaluer pour le transport routier, directement affecté par la raréfaction du gazole dans les stations-service. Mais il pourrait être non négligeable. "Les entreprises se battent déjà contre la crise ; je ne l'ai pas beaucoup entendu dire ces derniers jours ! Et elles doivent en plus se battre sur le front des carburants", résume Nicolas Paulissen, délégué général adjoint de la Fédération nationale des transports routiers (Fntr). Pour les PME, la quête du gazole a des conséquences financières multiples. "La durée des tournées s'est rallongée de deux à trois heures par jour, soit d'environ 30%", explique ainsi Olga Valot, gérante de la société Valot, installée dans le Val-de-Marne, dont les 30 camions livrent des produits pharmaceutiques et cosmétiques dans l'ensemble de l'Ile de France. "Et ce sont des heures supplémentaires qui ne sont pas productives car elles sont dues aux files d'attente dans les stations-service et aux embouteillages", ajoute-t-elle. Elle estime à 8% du chiffre d'affaires l'impact des perturbations pour son entreprise. "Et il y a le risque de contravention : la durée de travail s'allonge et on est à la limite de la réglementation européenne", qui sanctionne d'amendes lourdes les dépassements des horaires légaux pour les conducteurs de poids-lourds, poursuit-elle. La semaine dernière, l'Union des industries chimiques (UIC) avait chiffré à 550 millions d'euros la perte de chiffre d'affaires pour le secteur liée à la grève sur le port de Marseille. Sur le plan macroéconomique, la facture des mouvements sociaux devrait être nettement moins douloureuse. "Les grèves de la fin 2007 avaient amputé la croissance de 0,2 point sur un trimestre, soit 0,05 point sur une année entière, ce qui n'est pas exceptionnel", rappelle Alexander Law, chef économiste de l'institut d'études économiques Xerfi. Cette estimation correspond à environ un milliard d'euros de produit intérieur brut (PIB) perdu pour l'économie nationale, un chiffre relativement limité. "Mais vu la faiblesse de la croissance française, tout ce qui est perdu est important", souligne Alexander Law. Mercredi, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, avait estimé sur la chaîne de télévision britannique Channel 4 que la situation actuelle "en général n'affecte pas de façon très significative le PIB, surtout si ça ne dure pas trop longtemps". Interrogé sur TF1, elle a surtout insisté sur l'impact des grèves sur l'image de la France. Un discours relayé hier par Maurice Lévy, le président du directoire de Publicis. "Moi qui passe mon temps en dehors des frontières, je peux vous dire, j'étais encore la semaine dernière aux Etats-Unis, les gens ne comprennent pas", a-t-il dit à BFM Radio.