PARIS (Reuters) — Malgré la volonté du gouvernement d'en finir, le bras de fer avec les opposants à la réforme des retraites s'est poursuivi hier en France avec une montée des tensions autour du secteur du carburant. Au lendemain d'une cinquième journée d'action qui a vu défiler entre 825.000 et trois millions de personnes, une course de vitesse s'est engagée entre les syndicats qui brandissent la menace d'une pénurie et le pouvoir qui mise sur le vote définitif du Sénat mercredi. Une sixième journée de grèves nationales et de manifestations est programmée mardi, veille de ce vote. Les opposants comptent sur le renfort des chauffeurs routiers qui commencent les actions à partir de 22h00 dimanche (20h00 GMT). Le gouvernement déclare qu'il restera ferme et que le projet sera très bientôt devenu réalité. "Je crois qu'on est clairement à un tournant. Ce que je souhaite, c'est que la raison l'emporte et que cette réforme puisse être adoptée dans les jours à venir et définitivement mise en oeuvre dans les semaines qui viennent", a dit le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire sur Europe 1. Il a de nouveau exclu toute concession sur les deux mesures clefs du texte, le passage de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ à la retraite, et de 65 à 67 ans pour un départ avec une pension de retraite à taux plein. Stations à sec, 47 pétroliers bloqués à Marseille Le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau a assuré que le risque de pénurie de carburant à l'aéroport de Roissy n'était plus d'actualité, après le retour de l'alimentation en kérosène dans l'oléoduc Trapil qui dessert une partie de la région parisienne, notamment les aéroports. La CGT accuse le gouvernement de "coup de force", car selon elle il a relancé Trapil par une action clandestine de quelques cadres au port du Havre, point de départ de l'oléoduc, où le personnel d'exploitation est pourtant en grève. Tout en se montrant rassurant, Dominique Bussereau a expliqué que les avions français avaient pour instruction de faire le plein à l'étranger avant de revenir et il a fait état de perturbations régionales, à Nice et à Nantes. Il assure que 200 seulement des quelque 13.000 stations-service françaises connaissent des problèmes d'approvisionnement, mais la compagnie Total parle de son côté hier de 300 à 400 sites affectés sur son seul réseau. Les douze raffineries françaises étaient toujours en grève dimanche, les blocages des dépôts se poursuivaient et le terminal pétrolier de Fos-Lavéra, près de Marseille, est entré dans son 21e jour de grève, bloquant en rade 61 navires dont 47 pétroliers. Selon Dominique Bussereau, les sociétés pétrolières en profitent pour augmenter les prix. "Ce n'est pas civique", a-t-il dit sur Europe 1. Répétant la demande de l'opposition de rouvrir le dialogue, l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius a aussi appelé le gouvernement à agir contre ce phénomène de hausse des prix. "J'attends du gouvernement qu'il réagisse et qu'il réagisse durement. Les gens sont en difficulté, si en plus les pétroliers en profitent pour donner un coup de massue, je trouve ça inadmissible", a-t-il dit sur Radio J. "Un bac presque vide qu'on ne remplit pas..." La CGT assure que l'aggravation des pénuries dans les stations est inéluctable. "Un bac qui est presque vide et qu'on ne remplit pas finit par être complètement vide", a dit à Reuters Eric Sellini, de la CGT Total. Les chauffeurs routiers se joindront au mouvement par des blocages routiers concentrés sur les sites stratégiques et les nœuds routiers, a dit à Reuters Maxime Dumont, patron du syndicat CFDT de la branche. "Il faut viser ce qui créera le plus de désagrément au gouvernement", a-t-il déclaré. Hier, le mouvement s'est poursuivi à la SNCF avec deux TGV sur trois en circulation, un Corail sur trois, un TER sur deux, un Transilien sur deux. Une grève des cheminots belges devrait en outre interrompre à partir de dimanche soir le trafic sur l'Eurostar Bruxelles-Londres et le Thalys Paris-Bruxelles. Les lycéens, nombreux dans les cortèges samedi, maintiennent la mobilisation mais les vacances scolaires approchent, en fin de semaine.