Le Temps-Agences - La France a vécu hier une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites marquée par des actions violentes de groupes de jeunes et la crainte de voir le pays paralysé faute de carburant. Les syndicats estiment que cette sixième journée de grèves et de manifestations, jugée équivalente au précédent record du 12 octobre, avec 3,5 millions de personnes selon la CGT, devait inciter l'exécutif à ouvrir des négociations pour modifier son texte qui reporte de 60 à 62 ans l'âge de la retraite. "Soyez raisonnable, acceptez les discussions avec les syndicats, ne vous enfermez pas dans ce choix unilatéral", a déclaré le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Mais le Sénat continue à examiner le projet de loi à marche forcée et entend siéger jusqu'à dimanche si la guerre d'amendements menée par l'opposition oblige les sénateurs, qui veulent achever le processus demain, à jouer les prolongations. Le président Nicolas Sarkozy a répété hier que cette réforme était essentielle et qu'elle serait menée à son terme. Il a d'ailleurs reçu l'appui d'Angela Merkel, dont le gouvernement a repoussé l'âge de la retraite à 67 ans. Les syndicats estiment avoir réussi leur journée grâce aux 277 défilés organisés dans toute la France. A la mi-journée, le ministère de l'Intérieur estimait le nombre de manifestants à 480.000, contre 500.000 le 12 octobre, date à laquelle la mobilisation avait au total réuni selon le ministère 1,2 million de personnes. Les lycéens sont aussi restés mobilisés avec 379 lycées perturbés selon le ministère de l'Education nationale et plus de 850 établissements bloqués selon le syndicat étudiant Fidl. Des incidents souvent violents ont éclaté entre les forces de l'ordre et des jeunes, comme à Nanterre, près de Paris, mais surtout à Lyon, où des scènes de guerilla urbaine accompagnées de pillages de magasins ont eu lieu. A Deauville, Nicolas Sarkozy en a appelé à la responsabilité de "l'ensemble des acteurs" pour éviter les débordements et a annoncé qu'il tiendrait une réunion dès son retour à Paris hier soir pour veiller au rétablissement de l'ordre. C'est pourtant moins le nombre de manifestants que le mouvement de grève qui est surveillé par le gouvernement confronté à un risque de paralysie progressive du pays. "La Constitution de notre République prévoit le droit de grève qui doit être respecté, elle ne prévoit pas le droit de bloquer le pays, son économie et ses emplois", a déclaré le Premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale. Si les grèves sont moins suivies dans les transports et les services publics à mesure que le mouvement se prolonge, le blocage des raffineries et des dépôts de carburant pèse en effet de plus en plus sur l'économie française. Le ministre de l'Energie, Jean-Louis Borloo, a chiffré à 4.000 le nombre de stations-service en attente de carburant et les files d'attente des automobilistes redoutant de se retrouver à sec s'allongeaient hier aux pompes. La FNTR, principale fédération de transporteurs routiers, a mis en garde contre un risque de pénurie en précisant que près de la moitié des pompes dédiées aux routiers sont à sec. "Une situation de pénurie de carburant est en train de s'installer et demain sera le point de rupture. La fin de semaine risque d'être très difficile", a déclaré à Reuters Nicolas Paulissen, délégué général adjoint de la FNTR. "Sans camions, il est impossible d'approvisionner les usines et les magasins et l'économie est paralysée", a-t-il expliqué en estimant que les grandes surfaces pourraient connaître des problèmes d'approvisionnement en produits frais dans les jours prochains, de même que les restaurants. Le patronat français s'est lui aussi alarmé de l'impact sur des entreprises déjà fragilisées par la crise économique. "Nous sommes inquiets, inquiets y compris pour nos entreprises", a dit Laurence Parisot, la présidente du Medef, évoquant le bâtiment, les travaux publics et la chimie. François Fillon a toutefois assuré que la situation reviendrait à la normale dans quatre ou cinq jours.