Ouvrage collectif dirigé par Nedra Ben Smaïl et paru chez Cérès, La tentation du Jihad tente de répondre à la question «Pourquoi ?» de manière scientifique et socio-anthropologique sans tomber dans les clichés. Bienvenue à la clinique du Jihad. L'ouvrage paru chez Cérès éditions dans la collection «Essai» est une contribution de Nedra Ben Smaïl (psychanalyste), Monia Ben Jemia (professeur de droit), Olivier Douville, psychanalyste, Okba Natahi (psychologue, psychanalyste), Kathy Saada (psychanalyste), Meryem Sellami (socio-anthropologue). La tentation du Jihad (violences et jeunesse à l'abandon) est un nouvel éclairage sur ce phénomène qui emporte nos jeunes. Un jeune décide un jour de tout abandonner pour le Jihad, de rompre avec sa mère, son père, sa rue, ses amis, semblables. Il n'a pas de profil type, il est dans une impasse psychique, prêt à être adopté par une communauté qui prétend le mettre sur la voie de Dieu. L'histoire de ce jeune est souvent tue, dissimulée. À force d'accumuler désaveu, effacements, peines et hontes, la charge s'amplifie et l'orage finit par éclater. Une violence inouïe, faite de haine et de vengeance, explose enfin un jour. Souvent, ce jeune se réalise dans la mort, la sienne et celle d'une part de l'humanité. Le livre est à l'écoute de cette violence, de ces bruits et inflexions. Et aux auteurs de préciser : «Il ne juge pas, mais propose, perçoit les premiers bruissements, repère les contre- feux, sonde et tâche de prendre soin. Il cherche dans les dispositifs politiques, normatifs et cliniques les moyens d'anticiper et d'écouter cette jeunesse à l'abandon, la possibilité de la secourir et de "guérir le monde"». Pourquoi un jeune est-il capable de tirer fierté de faire feu sur la foule? Qu'elle est la part des autres, de la politique, de la société et de la famille dans cet acte ? Et la religion est-ce l'alibi ou le fondement, l'ombre ou la matrice ? Comment se déploie dans l'ordre du sentiment la plus terrible maladie du siècle ? Qu'est-ce qui fait symptôme ? Qui souffre et de quoi souffre-t-il ? Une somme de questions auxquelles cet ensemble de psychanalystes et de psychologues tentent de répondre en s'appuyant sur l'expérience de cabinet. Dans «Jihadolescence» par exemple, Nedra Ben Smaïl cite des cas cliniques de jeunes gens en respectant l'anonymat du cabinet, bien sûr, pour conclure : Il est peu surprenant qu'une large partie de la jeunesse arabe soit peu encline à condamner cette «internationale terroriste», support d'identification au «héros musulman» qu'elle veut (redevenir). Elle répare pour ces jeunes et en leur nom leurs failles narcissiques infantiles et sociales qu'ils projettent sur un Occident tenu responsable de leur humiliation (....) Le jihadisme est une maladie de l'être et de l'origine. Cependant, le véritable point d'impasse que rencontrent ces jeunes n'est pas tant leur rapport à la mondialisation et à «la modernité», mais le rapport de leur subjectivité adolescente secouée par la montée pulsionnelle, au sexuel, au corps de jouissance et à l'altérité. Le livre est à découvrir parce qu'il nous donne un éclairage nouveau sur ce que la jeunesse tunisienne est en train de vivre dans une sorte de vide qui se mord la queue aussi bien avant qu'après le 14 janvier. Un livre qui met le doigt sur les failles juridiques d'une Tunisie qui se croit à l'abri de tout avec ses lois, mais qui laisse le champ libre à l'impunité. Comment amener le jeune à trouver l'autorité en lui-même, plutôt que chez un autre et à investir son corps pour en être le maître ? A résoudre !