A l'heure où le statut de la femme est mis à rudes épreuves dans une société qui mue, une question atavique remonte à la surface : la virginité des filles pose-t-elle encore problème de nos jours ? Dans un essai paru chez Cérès éditions, la psychanalyste Nedra Ben Smaïl revient sur cette question qui a divisé et divise encore les penseurs et la société. Entre pensées progressistes et pensées empreintes de conservatisme, l'ouvrage revient sur un sujet épineux...
Le sujet épineux
Considéré comme un rempart contre l'impie, l'hymen est le symbole d'une pureté dans la société tunisienne fortement attachée à la culture arabo-musulmane. Pourtant ce « baromètre » de la pureté suscite des interrogations quant à son authenticité. Dans son étude, Nedra Ben Smaïl revient sur ce sujet ambigu et controversé. Les six chapitres de l'essai, divisés en diverses sections, relatent d'un point de vue religieux, médical, psychanalytique, et enfin social le rapport de la société et de l'intelligentsia à la virginité.
Malgré son aspect épineux, dans un contexte marqué par la violence envers les femmes et la libre pensée, Nedra Ben Smaïl offre aux lecteurs une étude profonde basée sur des faits historiques, des analyses psychanalytiques et des témoignages sociaux afin de transcender le comportement individuel et collectif face à la virginité.
Entre attachement et détachement : une société évolutive
Au fur et à mesure que nous progressons dans la lecture de l'essai, nous constatons que le regard de la femme vis-à-vis de son corps a changé. L'acceptation de soi passe par l'épanouissement du corps. Un épanouissement qui a imposé peu à peu une nouvelle considération à l'égard de la femme. Cette acceptation du corps amène une reconsidération du statut de la fille vierge dans une société qui évolue. La question de revirginisation est alors soulevée. Dans ce contexte, la psychanalyste rappelle les deux « Fatwas », celle de 1987 et de 2007, qui considèrent, toutes deux, cette pratique comme étant licite car elle garantit la préservation de la réputation de la femme. Le point de vue religieux est décortiqué et est associé aux points de vue médical et psychanalytique. En effet, Nedra Ben Smaïl revient sur les rapports médecins-patient(e)s, avec tout ce que cela implique de confidentialité, de pratique chirurgicale (hyménoplastie) et sur la déontologie du métier. Psychanalytiquement parlant, l'auteure reconsidère les relations hommes-femmes avec les mythes ataviques autour de l'idéal (ce qui devrait être) et de la faute (ce qu'il y a à éviter).
Un gars, une fille... mode de pensées
Si le livre est une étude scientifique rigoureuse, basée sur une documentation diversifiée et conséquente (en témoigne la bibliographie à la fin du volume), il n'en demeure pas moins que l'ouvrage est une investigation de terrain. La discussion lancée sur le Net autour des questions telles que : « quels sont les principaux conseils que vous donneriez à votre fille concernant sa sexualité ? », « pensez-vous que la virginité est une prescription d'abord religieuse ou avant tout sociale ? » ou encore « pensez-vous que les médecins doivent répondre positivement à toutes les demandes d'hyménoplastie ? » offrent une plongée au cœur de la réflexion sur la virginité perçue – différemment – par les hommes et les femmes. A travers ces questions et bien d'autres, la perception des divers protagonistes s'ancre dans une tradition ancestrale ou tend vers une émancipation tant au niveau corporel que spirituel. Cette investigation offre une dynamique à l'essai et en constitue la partie empirique qui rend l'analyse actuelle et plus proche de la société. Nedra Ben Smaïl relève un défi et fait tomber un tabou, sûrement le plus tu de nos jours. Avec la rigueur du scientifique, la pertinence du psychanalyste et l'observation de l'anthropologue, Nedra Ben Smaïl, nous livre un essai où la pensée est constamment interrogée et où les comportements des hommes et des femmes sont transcendés afin de donner, non pas une réponse, mais une incitation à réfléchir sur le devenir de la société dans l'ère de l'ouverture sur autrui et sur l'ère d'un retour sur soi...