Pour l'Afrique, notre objectif est de passer de 3 à 6 milliards de dinars en termes d'exportation Le propos est marqué d'une grande humilité. Du réalisme et de la détermination. Aucune démesure dans l'ambition, seulement une forte volonté d' investir le champ du possible et de dégager en toute sérénité les horizons. Le champ du possible et l'ambition portent aujourd'hui un nom : l'Afrique. Omar Behi, ministre du Commerce, insiste dans cet entretien qu'il nous accorde à la veille de la tenue à Tunis du Forum économique africain qu'organise le ministère tunisien du Commerce, sur deux points essentiels : d'abord, démarche participative et inclusive ayant présidé à la préparation du forum, forte présence du secteur privé, ensuite, la philosophie même de cette grande manifestation : «Il ne s'agit pas d'aller à la conquête de l'Afrique et du marché africain. Il s'agit d'y renforcer notre présence dans un esprit de partenariat mutuel et porteur tuniso-africain». Entretien. Le ministère du Commerce organise, les 23 et 24 avril, à Tunis le Forum économique africain. Quel sens et portée entendez-vous donner à cette manifestation ? L'organisation du Forum économique africain entre dans le cadre d'une nouvelle politique qui vise à augmenter nos exportations. Nous avons, il y a quelques mois, tenu la réunion du Conseil supérieur de l'exportation sous la présidence du chef du gouvernement et l'on a, à cette occasion, pris des engagements et arrêté un plan d'action pour stimuler les exportations. En 2017, le volume de nos exportations de biens s'élevait à 35 milliards de dinars. Notre ambition est de le porter à 50 milliards de dinars en 2020. Pour l'Afrique, notre objectif est de passer de 3 à 6 milliards de dinars en termes d'exportations. A cet effet, nous avons, au niveau du Conseil supérieur de l'exportation, pris des décisions spécifiquement orientées vers le marché africain, des mesures propres à encourager significativement les entreprises tunisiennes à exporter vers l'Afrique, et ce à travers notamment des surprimes à l'export au niveau du transport. A travers ce Forum, la Tunisie signe solennellement son retour à l'Afrique. Notre pays a une histoire riche et glorieuse avec l'Afrique. Le Président Bourguiba avait établi des relations solides avec ses homologues, premiers présidents africains : Félix Houphouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor, Ahmadou Ahidjo, Sékou Touré... Malgré ses moyens humains et matériels limités, la Tunisie s'était engagée à accompagner la construction des Etats indépendants, et à aider à la mise en place de leurs administrations, que ce soit en multipliant les missions d'assistance technique, l'accueil des étudiants africains, ou encore la constitution de sociétés mixtes, y compris des banques dans de multiples pays d'Afrique subsaharienne. C'est cet héritage, et cette image forte qu'il faut savoir aujourd'hui capitaliser après, il est vrai, de longues années d'oubli et de léthargie du côté tunisien. Aujourd'hui, nous tenons un forum régional important auquel ont été conviés plusieurs personnalités africaines de premier plan et des décideurs économiques africains de haut niveau. Ce forum verra la participation de plus de 500 entreprises tunisiennes dont les grands groupes du secteur privé. L'objectif recherché est de réunir et de faire se rencontrer, dans un même lieu et au même moment, des acteurs économiques tunisiens et africains, publics et privés, opérateurs et institutionnels, industriels et financiers, pour échanger, mieux se connaître, partager leurs expériences et identifier les opportunités de partenariat et d'échanges. Nous avons aujourd'hui moins de 2% de nos échanges avec l'Afrique, notre marge de manœuvre est grande avec un continent tourné vers l'avenir, qui enregistre une forte croissance et qui recèle un fort potentiel de développement. Aussi, est-il important de renforcer nos relations avec les pays africains. Le gouvernement tunisien est déterminé à le faire, la volonté politique est là et elle est forte. En juin prochain, la Tunisie sera officiellement membre de la Comesa. Des discussions avec la Cedeao sont déjà engagées et nous avons paraphé la grande zone de libre-échange africaine à la réunion de l'UA à Kigali. La Tunisie est de retour en Afrique. Concrètement, cela veut dire quoi ? Nous avons ciblé les secteurs où nous avons une compétitivité et un potentiel de croissance importants : le BTP , la Santé, l'Enseignement supérieur, l'Industrie agro-alimentaire et les TIC. Des mesures importantes ont été prises au niveau du Conseil supérieur de l'exportation. Elles sont propres à ouvrir de nouveaux horizons sur le continent africain pour ces cinq grands secteurs. Il y a aussi un nouveau redéploiement de la diplomatie économique à travers l'ouverture de nouvelles ambassades et représentations économiques en Afrique. Il y a également une nouvelle ligne maritime, avec la CTN, et de nouvelles lignes aériennes, vers l'Afrique, avec Tunisair. Cela prouve, si besoin est, qu'il y a une volonté importante de rapprochement avec les pays africains dans un esprit de partenariat mutuel. Il est essentiel de le souligner : les relations entre les pays doivent être basées sur des intérêts réciproques. Nous voulons bien sûr exporter vers l'Afrique, mais nous voulons aussi importer de l'Afrique. Nous allons faire un transfert de know how, et également signer des accords de non double imposition. Peut-on, justement à ce titre, voir la Tunisie conclure des accords de non double imposition avec un plus grand nombre de pays africains ? Le gouvernement a dans ce sens arrêté une politique propre à faire de la Tunisie un site d'investissement attractif pour les entreprises qui veulent exporter vers l'Afrique. Il y a deux semaines, nous avons reçu des investisseurs algériens qui voulaient faire du montage de téléphones portables pour l'export vers la Comesa... Les perspectives qu'ouvre la conclusion des accords de non-double imposition avec les pays africains sont prometteuses et nous y travaillons. Avec une forte participation du secteur privé à ce forum, peut-on dire que le partenariat public-privé sera particulièrement à l'honneur ? Un comité de pilotage a été mis en place, regroupant des représentants des ministères concernés : Commerce et Affaires Etrangères, des représentants du Cepex, de Tunisair, des organisations patronales nationales: Utica, Conect, des acteurs de la société civile, engagés dans le soutien au secteur privé, ou actifs en Afrique, à l'image du Cepex, de l'Iace, de Tabc et enfin des opérateurs privés, présents sur le marché africain, représentant les secteurs de l'ingénierie, du conseil, de l'expertise comptable, du BTP, de la finance, de la santé, de l'éducation, des TIC, de l'agroalimentaire et du commerce. En mettant en place ce partenariat public-privé, et en en confiant la direction et la coordination à un représentant du secteur privé, M. Radhi Meddeb, le Ministère du Commerce a exprimé sa ferme volonté de faire de ce Forum un lieu de rencontre d'opérateurs économiques et de facilitation de leurs affaires.