Par Rafik EL Herguem Le prix de la viande rouge et du poulet a grimpé en flèche ces derniers temps pour devenir inaccessible pour une grande partie des Tunisiens. C'est devenu très cher (et par la même occasion très effrayant) essentiellement pour les éleveurs et les vendeurs qui n'ont plus le contrôle sur la structure des coûts et qui se trouvent obligés de vendre «cher», c'est-à-dire avec un prix marchand qui génère un profit. La viande bovine, la viande d'agneau, le poulet, l'escalope et bien sûr le poisson, le Tunisien est stigmatisé par cette terrible inflation des prix. Et dire qu'on est un pays producteur dans toutes ces branches n'est pas un contre-argument, car c'est un problème, avant tout, de coût et de quantités offertes et «contrôlées» sur le marché et à travers les lobbies de distribution. On est producteur, mais allez demander aux éleveurs de moutons ou de bœufs comment ils sont obligés de vendre à prix bas pour éviter les coûts élevés. La production n'est pas suffisante pour réguler l'offre, car les quantités exposées sur le marché sont de plus en plus limitées, en plus de l'impuissance du ministère du Commerce. L'élevage revient cher, les circuits de distribution entre l'éleveur et le consommateur final sont suspicieux, sans oublier l'exportation « sauvage » et incontrôlée vers l'Algérie et la Libye. Ces prix inabordables sont une conséquence normale. Ce n'est pas uniquement un problème de coût (denrées importées en devises et main-d'œuvre plus chère), mais aussi une question de demande : autant il y a une frénésie acheteuse, autant ces prix, déjà élevés, pour des quantités limitées, vont encore augmenter. L'appel au boycott du poisson, du poulet, de l'escalope et de la viande rouge, de plus en plus fréquent, est-il la solution pour mettre fin à cette escalade des prix ? Le mouvement, faisant partie du consumérisme, a réussi en Europe et en Amérique. C'est un mouvement de masse qui peut réguler le marché en exerçant une pression sur l'offre. En Tunisie, ce n'est pas une tradition, vu que le Tunisien moyen n'est pas encore avisé et prêt à sacrifier la consommation immédiate. A-t-on arrêté d'acheter, même à des prix élevés, ces produits chers ? Pire, on condamne même ceux qui boycottent alors que c'est un droit légitime face aux lobbies de distribution. Tout ce qu'on fait, c'est de crier au scandale, se lamenter, mais finalement, on s'aligne et on achète, avec sûrement des quantités en moins, des produits «substituables» à court terme. La demande reste irréfléchie en matière de viandes : et c'est ce qui donne un coup de pouce énorme aux spéculateurs. L'Etat regarde sans intervenir comme il faut, alors que ces lobbies d'intermédiaires agissent en toute liberté, et c'est le citoyen lui-même qui doit rationaliser sa demande et exercer une pression de régulation sur n'importe quel marché. Les résultats sont garantis, étant donné le jeu de l'offre et de la demande.